“Une simple messagerie”

Que me dit le dictionnaire? Le nom anglais ‘swift’ correspond à l’oiseau martinet, alors que l’adjectif veut dire rapide, vif, prompt. Par contre, le verbe signifie céder, capituler. Or n’est-ce pas ce que fait docilement le réseau interbancaire mondial depuis quatre ans devant les autorités américaines dans leur volonté de pister l’argent des terroristes?

Mais au fait, Swift ne fournit-elle pas depuis 30 ans des services aux banques? A quelque 7.800 pour être précis. Or les banques ne sont pas des terroristes, à ce qu’on sache? Que fait donc réellement Swift dans son spacieux bâtiment de La Hulpe qu’avait fait en son temps ériger l’ex-patron de Belgacom, Bessel Kok? Swift est une “messagerie”, comme l’a qualifiée, la semaine dernière, de manière un peu désobligeante, Luc Coene, vice-gouverneur de la Banque Nationale. Un service postal donc avec un nombre limité de clients, qui échangent quelque 12 millions de messages par jour. Selon une source bien informée, ce seraient quasiment 1.000 milliards EUR qui transiteraient quotidiennement par le réseau sous le couvert de ce courrier. Pas de la petite bière donc. Il est clair qu’il s’agit là en grande partie d’argent maffieux. Voilà qui explique pourquoi après les divers raids visant le cartel de la cocaïne à Medellin, il y a subitement eu beaucoup moins de trafic sur le réseau Swift en provenance de la Colombie. Mais Swift n’a jamais jeté un coup d’oeil à ces messages, selon moi. Elle se prévaut en effet de ne connaître que l’expéditeur et le destinataire, des banques dans les deux cas. Le courrier proprement dit est entièrement crypté et, croyez-moi, Swift maîtrise suffisamment ces algorithmes. Elle ne dispose pas pour rien d’une armée de quelque mille informaticiens. Si ces messages sont cryptés une centaine de fois, comment diable le service de sécurité américain arrive-t-il à les consulter? Sachez que le porte-parole de Swift n’a pas réussi à me l’expliquer. “It could be that we work trough an exception with a particular government, whether it’s the US or another, for an encryption technology. Because a government knows the technology is just used for Swift purposes, they’re OK with it”, a déclaré Joe Eng, CIO de Swift, le 15 mai, avant donc l’annonce du… Swiftgate. Depuis quelque temps, Swift souhaite cependant aussi étendre ses services de réseau aux grosses sociétés. Quelque 120 y sont d’ailleurs déjà connectées. Depuis deux semaines, elles sont en outre autorisées à participer à l’assemblée générale. Swift l’a annoncé dans un communiqué de presse jubilatoire. Mais il est peu probable que ces multinationales apprécient le fait que le gouvernement américain vienne s’immiscer dans leurs transactions de données. Pour l’image de Swift, ce n’est assurément pas une bonne chose. L’une des autres significations de ‘swift’ n’est-elle d’ailleurs pas débauché, dissolu?

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