The Clone Wars: comment Rocket Internet copie les entreprises web à succès

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Frederik Tibau est rédacteur chez Data News.

Attirez quelques développeurs débrouillards, offrez-leur du cash et des ordinateurs et demandez-leur de copier une idée qui a déjà fait ses preuves ailleurs. C’est avec ce concept que Rocket Internet part à la conquête du monde. La visite de la principale ‘usine de clones’ allemande constitua pour de nombreux étudiants flamands le point d’orgue de leur ‘start-up trip’ à Berlin.

Rocket Internet exploite aujourd’hui déjà 60 petites entreprises et 350 sites d’e-commerce dans 110 pays. Le groupe compte plus de 25.000 collaborateurs et enregistre un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros. L’incubateur des richissimes frères Oliver, Marc et Alexander Samwer appartient à la catégorie des ‘company builders’, des organisations qui… chipent des formules internet à succès pour en faire illico des clones.

Depuis le lancement de leur première copie en 1999 (une version allemande d’eBay), les Samwer ont déjà introduit sur le marché les sosies de Zynga, Amazon, eHarmony, Pinterest, Uber et bien d’autres encore. Et après avoir lancé ce genre de copie, la course contre la montre peut commencer. Le but est de devenir leader du marché dans les plus brefs délais dans une région spécifique, avant que l’original (essentiellement américain) pense à s’y étendre.

Et cela marche plus souvent qu’on pourrait le croire car contrairement à de nombreux développeurs de la Valley, les Allemands misent énormément sur le marketing, ce qui fait qu’ils peuvent prendre rapidement une solide avance. En 2009, les frères ont mis sur les fonts baptismaux un clone du site de ristournes Groupon, qui s’avéra si fructueux (CityDeal) que l’original américain se vit contraint de reprendre son rejeton bâtard pour plus de 100 millions d’euros.

Un autre exemple nous vient de Zalora, un site d’e-commerce qui vend des vêtements dans le sud-est asiatique, une région où la croissance économique est lente et la proportion en ligne du marché de la mode n’atteint qu’1 pour cent seulement. Les acteurs en vue dans le domaine de l’e-commerce tels Amazon et eBay n’y conçoivent aucun grand projet, ce qui est tout profit pour Rocket Internet.

La grande histoire à succès d’Oliver Samwer et de son ‘company builder’ a cependant pour nom Zalando, le clone de Zappos, qui domine également le marché de la chaussure en ligne en Belgique et qui aujourd’hui, tout comme Rocket Internet même, est coté en Bourse. Avec Drafiti, les Allemands veulent répéter l’histoire Zalando en Amérique du Sud, et le succès semble être au rendez-vous. Le double d’Airbnb, Wimdu, se distingue par contre moins, alors que beaucoup d’initiatives meurent même de leur belle mort. Actuellement, une dizaine de petites entreprises faisant partie du portefeuille des Samwer sont vraiment fructueuses.

La base même de l’empire Samwer est l’incubateur Rocket Internet situé à Berlin, visité hier jeudi par les 40 étudiants flamands qui participent à un start-up trip dans la capitale allemande. Rocket lance les petites entreprises, engage du personnel et s’occupe du marketing, du design et du management, jusqu’à ce que les starters puissent voler de leurs propres ailes.

“J’aime les startups”, avait expliqué, il y a quelque temps, le peu médiatique Oliver à Business Week. A propos des insinuations selon lesquelles il a fait de Berlin la capitale copycat de l’Europe, il avait réagi de manière piquante: “Il y a des entrepreneurs qui sont meilleurs au niveau des idées qu’à celui de leur exécution, c’est vrai. Mais un pont est un pont, où que vous soyez. Les concepts intéressants peuvent marcher partout. Ce qui compte, ce n’est pas tant l’idée en tant que telle, mais bien son exécution. C’est là où nous faisons la différence.”

Ce dernier point pourrait s’avérer correct. Rocket Internet et les Samwer sont en effet impitoyables sur le plan de l’exécution, ils établissent des KPI pour tout. Et quand les managers n’atteignent pas leurs objectifs souvent insensés, ils se voient amputés d’une partie de leur salaire et font l’objet de l’ire d’Oliver, qui écrivit un jour dans un courriel dévoilé, adressé à son personnel qu’il n’acceptait aucune excuse et qu’il était l’homme le plus agressif sur internet. “Faire des affaires, c’est comme une guerre-éclair. Je veux mourir pour vaincre et j’attends que vous fassiez de même!”

Le fait que Rocket Internet soit si efficiente, est néanmoins aussi dû à l’existence d’une culture de partage profond. Les diverses petites entreprises s’apprennent des choses mutuellement et tirent parti de l’infrastructure IT et de l’expertise marketing commune.

“Avec Rocket Internet, nous voulons devenir la principale plate-forme internet en dehors des Etats-Unis et de Chine”, a expliqué l’affable CTO Christian Hardenberg à la délégation belge. “L’objectif est explicitement d’être omniprésent sur l’écran d’accueil des smartphones sur les marchés où nous sommes actifs.”

Le fait que ces ambitions ne soient pas si irréalistes qu’elles peuvent sembler à première vue, ressort d’une dia qu’Hardenberg a projeté sur un écran. Les sites d’e-commerce n’auraient encore qu’un taux de pénétration de 2 pour cent au niveau mondial. Il en résulte que le potentiel pour l’usine de clones allemande est théoriquement encore gigantesque.

Les Allemands laissent les Etats-Unis et la Chine à leurs Amazon et autres Alibaba. “Le marché américain est trop compétitif, et le chinois trop compliqué”, a encore ajouté Hardenberg. “Mais à côté de cela, il existe suffisamment de marchés à conquérir dans le sud-est asiatique, en Afrique et Amérique Latine.”

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