Premier accident fatal avec une Tesla autonome: qui est coupable?

La plus aboutie et sportive des voitures à propulsion 100% électrique, la Tesla Model S, ne pouvait pas ne pas être présente au Salon Dream Cars. © BELGA
Wim Kopinga Redacteur DataNews.be

Une voiture autonome de Tesla a été pour la première fois à l’origine d’un accident mortel. Statistiquement parlant, l’on pouvait penser que cela arriverait un jour. Et voilà que la voiture n’a pas vu la remorque qui se trouvait perpendiculairement à la voie qu’elle suivait.

L’entreprise Tesla peut-elle être tenue pour responsable de cet accident mortel? Telle est à présent la question qui se pose car les autorités américaines mènent une enquête à propos de ce crash qui s’est passé le 7 mai dernier déjà.

La fonction d’autopilotage de Tesla a été introduite en octobre dernier par le truchement d’une mise à jour logicielle. Tout propriétaire d’une voiture Model S – celui qui est impliqué dans l’accident – peut depuis lors activer cette fonction. Mais le mode d’autopilotage en est encore à la phase de test. Tesla ne cesse d’avertir qu’il ne fonctionne pas encore à cent pour cent et que le conducteur doit garder les mains sur le volant, afin de pouvoir intervenir. L’entreprise d’Elon Musk déclare que l’autopilotage est déjà bien avancé, mais pas encore suffisant pour opérer de manière entièrement indépendante. La voiture peut suivre sa bande de circulation, dépasser et garder ses distances avec celle qui la précède. S’écarter pour un véhicule roulant nettement plus lentement est aussi possible, mais détecter à distance une voiture à l’arrêt ne s’effectue pas encore suffisamment bien, semble-t-il.

Tesla a évidemment parfaitement bétonné le contrat qu’elle conclut avec le conducteur, lorsque ce dernier veut disposer de la fonction d’autopilotage, afin de ne pas être tenue pour responsable lors d’accidents. Ce faisant, Elon Musk et consorts ne seront probablement pas inquiétés après cet accident mortel.

Question éthique

Mais dans le cas d’une technologie qui n’a provisoirement pas encore fait ses preuves comme la voiture autonome, il y a également une question éthique qui joue un rôle, lorsque des vies humaines sont en jeu. Sur le plan juridique, tout peut être en ordre, mais une entreprise doit-elle pouvoir mettre sur la voie publique des conducteurs réduits à l’état de cobaye? Lancer sur le marché un produit en phase bêta n’est pas quelque chose d’étrange pour les entreprises technologiques, mais faire tester un nouveau logiciel ou un jeu vidéo par une partie du public, c’est bien différent d’une voiture. Les ‘chauffeurs’ sont-ils par exemple suffisamment informés des risques qu’ils prennent?

Lorsque vous activez l’autopilotage dans la voiture, vous voyez toujours apparaître la mention selon laquelle la fonction est une assistance et que vous devez tenir le volant en mains en toutes circonstances. Mais est-il suffisamment clair pour l’utilisateur qu’il court le risque de perdre la vie?

Faut-il rappeler que les humains éprouvent du mal à contrôler un système pendant de longues périodes et que l’ennui peut se manifester rapidement? Savent-ils en outre qu’ils ont besoin de 2 à 30 secondes – voire plus – pour sortir complètement de leur torpeur et remettre dans ce cas-ci les mains sur le volant? Sont-ils suffisamment informés des limites qui sont encore et toujours le lot du système? Voilà le genre de questions que pose à juste titre Forbes.

Zone grise

Lorsqu’une voiture ‘sans conducteur’ réagit de manière totalement autonome, l’on sait qu’elle le fait de manière très sûre. Une fois la technologie au point, il y aura certainement beaucoup moins de tués sur la route et cet accident aurait-il pu être évité si les deux véhicules avaient pu communiquer entre eux? La Tesla aurait alors freiné, et il n’y aurait pas eu de problème.

Mais la phase intermédiaire dans laquelle on est engagé à présent, est grise et incertaine. Aux Etats-Unis, il n’y a pas de loi prohibant la voiture autonome, mais il n’y a souvent rien non plus qui l’autorise. ‘Les entreprises ne risquent pas grand-chose dans cette zone juridique grise, aussi longtemps que tout se passe bien’, avait récemment déclaré l’expert technologique Bryant Walker Smith. Comment vont réagir les législateurs à présent qu’il s’est vraiment passé quelque chose de grave?

Tesla est un pionnier en matière de voitures autonomes. D’autres constructeurs patientent encore un peu, avant de faire connaître une fonction d’autopilotage similaire au grand public. Google est aussi l’un des seuls constructeurs à faire circuler sa voiture autonome sur la route, mais dans ce cas, il y a toujours un collaborateur suffisamment formé de l’entreprise derrière le volant.

Il s’agissait du premier accident mortel causé par l’autopilotage de Tesla en 130 millions de kilomètres, alors que dans le cas des voitures ordinaires, il y a en moyenne un accident mortel par tranche de 60 millions de kilomètres parcourus. L’on peut donc en déduire que la voiture autonome de Tesla est nettement plus sûre que le conducteur humain d’une voiture ordinaire. Tesla parle à propos de cet accident d”une situation exceptionnelle’, mais la perfection – à laquelle on aspire autant que possible avec la voiture autonome – n’est pas encore en vue. Devons-nous nous en contenter avant d’y arriver vraiment?

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