Nous ne faisons pas ce que nous savons

Stefan Grommen Stefan Grommen est rédacteur de Data News.

“Les crises sont des défis”, a dit André Leysen, fondateur d’Agfa Gevaert. Les crises sont cependant plus que des défis…

“Les crises sont des défis”, a dit André Leysen, fondateur d’Agfa Gevaert. Les crises sont cependant plus que des défis…

Elles stimulent le changement, ce qui génère le progrès. Plus forte est la crise, plus grand est le progrès. Il est insensé de penser qu’à l’avenir, les mêmes résultats seront atteints, si nous travaillons de la même manière et recourons aux mêmes compétences, processus et organisations. Une réflexion conventionnelle dans un monde non-conventionnel ne mène à rien. Ce qu’il faut, c’est choisir sa direction et agir car quand cela va mal, tout le monde aspire à sauver sa peau, à se cacher jusqu’à ce qu’on voit le bout du tunnel, à économiser de manière obsessionnelle et à ne prendre aucun risque. C’est là certes une réaction naturelle et compréhensible, mais que la crise fait perdurer plus que nécessaire!

La crise nous contraint à réaliser ce que nous savons depuis des années déjà: il n’y a plus de choix, et c’est urgent. La gestion conventionnelle a démontré son utilité, mais a atteint ses limites. Nous devons évoluer de l’individu – le leader tout puissant, le chef visionnaire universel – vers un leader d’entrepreneurs, vers une équipe. Depuis des années déjà, je plaide pour un “leadership partagé”. La bureaucratie nous frustre depuis si longtemps déjà: des patrons qui gèrent trop et dirigent trop peu, l’écart de vitesse entre le marché et la mobilité des organisations. Si le marché bouge plus vite que l’entreprise, c’est que celle-ci décide elle-même de quitter le marché (et pas l’inverse). Au sein des organisations véloces et maniables, il n’existe pas de grande divergence entre la direction et la base. Les décisions stratégiques y sont prises et exécutées plus rapidement à partir d’une collectivité. Les décisions concertées sont plus vite acceptées que celles qui sont prises unilatéralement. Le temps perdu dans les préliminaires, on le regagne largement lors de l’exécution.

Le pouvoir doit devenir dynamique et mobile et pouvoir se déplacer rapidement jusqu’à l’endroit voulu de l’organisation, là où existe la vision pour la prise de décision. La direction de l’entreprise est consciente qu’elle ne peut plus comprendre tous les dossiers à fond, ce qui fait que les décisions sont prises surtout sur base de la routine, de la reconnaissance de modèles et d’un ego surdimensionné, voire d’un fanatisme émotionnel. Voilà qui explique des décisions erronées. La solution est pourtant très simple! Il y a sur le lieu de travail un fameux leadership inexploité. Par temps de crise, la menace est cependant réelle que les organisations traditionnelles brident encore plus le degré de liberté de leurs collaborateurs et se réservent encore davantage la prise de toutes les décisions. Or il s’agit là d’une décision erronée grossière de la direction. Tout l’art consiste à déceler les talents au sein de l’organisation, de bien les former et de les conserver. Ce sont ces talents qui doivent recevoir la confiance, voire prendre les décisions stratégiquement importantes, mais concertées évidemment. Confier le pouvoir, c’est aussi tout un art. La crise et l’arrivée de la génération Y, cette fantastique génération de jeunes gens/filles ambitieux, bien formés, combatifs, optimistes et extrêmement pertinents, feront en sorte que de nouveaux principes de management vont s’imposer.

L’époque où l’intelligence professionnelle était considérée comme un modèle purement arithmétique, est révolue. Cette approche a connu le succès sur des marchés stables, prévisibles et sûrs. La crise nous amène à un modèle biologique qui considère les marchés, les idées, les gens et les organisations comme quelque chose de vivant, de dynamique et d’unique, et dans lequel le changement, l’interaction, la synergie et la croissance sont inhérents.

Nous connaîtrons évidemment toujours des organisations anticipatrices, qui réussiront à introduire des changements de manière proactive. Ce sont elles qui dirigeront le marché. Alors que les entreprises qui effectueront ces changements juste à temps, seront celles qui suivront le marché, qui survivront. Et celles qui ne capteront pas les signaux, ne sauront pas quoi faire, celles-là disparaîtront. Il faut changer quand tout va bien!

Cette année, la Belgique seule recensera plus de 10.000 faillites avec plus de 70.000 chômeurs en plus à la clé. Il ne sera pas possible d’éviter ce bain de sang car la crise est arrivée trop brusquement et trop intensément. Mais il sera possible d’anticiper, ça oui… La pro-activité est un style de vie.

On ne peut s’opposer aux changements jusqu’à ce que le monde aille mieux. Il faut au contraire les réaliser de manière proactive, afin d’être plus fort au moment de la reprise. L’avenir est plus simple que le passé. L’avenir, c’est toujours décompter les jours, alors que le passé, c’est toujours en rajouter. L’expérience s’acquiert cependant juste après qu’on en ait besoin.

Jan De SchepperJan De Schepper est président de l’AMD, le forum des fournisseurs et utilisateurs d’informatique en Flandre.

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