Les immigrés et l’informatique: “Pas de quota, mais des mesures fermes”

L’emploi des immigrés reste un thème sensible, également au sein des entreprises ICT. Personne ne croit en l’idée du ministre Vanvelthoven d’imposer des quotas. Quelle est donc la solution?

Bruxelles, le 9 janvier 2006: dans la foulée des émeutes parisiennes, le Ministre de l’Emploi Peter Vanvelthoven envisage la mise en place de quotas d’emploi pour réduire le fort taux de chômage dans la communauté immigrée. L’idée est rejetée par les organisations patronales et par les partis politiques de droite, mais tous reconnaissent que d’autres types d’actions sont nécessaires pour faire diminuer ce chômage.Modèle de collaborationEdith Jonckers, ‘workforce diversity manager’ chez IBM EMEA ne croit pas au quota comme moyen de lutter contre le chômage des immigrés, ne fût-ce que pour des raisons pratiques. “La plupart des immigrés de deuxième ou troisième génération ont la nationalité belge. Si nous voulons mettre en place des quotas, nous devons les obliger à nous communiquer leur origine, ce qui est contraire à la loi sur la protection de la vie privée. Le gouvernement a encore beaucoup de travail avant de pouvoir envisager de telles mesures.”Jonckers croit davantage à un modèle de collaboration, où les différents intéressés se partagent la tâche : employeur, gouvernement, enseignement, mais également représentants de la communauté immigrée. “Nous n’y arriverons pas tout seul, mais nous prendrons notre responsabilité”, explique Edith Jonckers.L’une des mesures concrètes que prend IBM pour favoriser l’intégration d’immigrés consiste en une série de directives soumises aux responsables du recrutement dans l’entreprise. Pas tant pour pratiquer la discrimination positive des immigrés, mais bien pour ne pas se laisser aveugler par des critères physiques qui pourraient donner une mauvaise impression. Jonckers donne un exemple concret. “Un recruteur doit savoir que certaines femmes allochtones ne vont jamais le regarder droit dans les yeux. Cela n’indique pas un manque d’affirmation de soi, mais bien une valeur qui leur a été transmise depuis l’enfance.”Non mesurableAutant IBM que HP et BT ont pas mal de points communs en ce qui concerne l’attitude vis-à-vis des immigrés. Ces sociétés sont très ouvertes aux candidatures d’immigrés, dans le cadre de leur politique générale de diversité. Les arguments sont à peu près les mêmes auprès des trois: la présence d’immigrés dans l’entreprise reflète la réalité sociale en dehors de l’entreprise, et aide à mieux sentir le marché.Les trois sociétés ont déjà pas mal d’expérience avec la diversité, vu leur présence mondiale et la collaboration entre les différentes nationalités au sein d’un même bureau. BT Belgique, par exemple, compte 550 collaborateurs, représentant pas moins de 20 nationalités.Mais aucune des trois entreprises ne peut (ou ne veut) préciser quel pourcentage de ses employés est constitué d’immigrés de la deuxième ou troisième génération. “Car, disent-ils en choeur, une telle réponse constituerait une violation du droit à la vie privée.” Cela ressemble à une excuse peu convaincante pour ne pas communiquer des chiffres très maigres, mais cette discrétion sur l’origine des travailleurs est réellement rendue obligatoire par la loi sur la protection de la vie privée. Comment dès lors pouvoir mesurer si des efforts pour attirer des immigrés ont porté leurs fruits ou non?Le ‘outing’ à la britanniqueUne possibilité serait le modèle britannique de ‘outing’, où les immigrés ont développé une plate-forme leur permettant de revendiquer leur statut d’immigrant, explique Reggy-Charles Degen, vice-président RH de BT Europe, Moyen-Orient et Amérique latine. Mais selon Hugo Bagué, vice-président RH de la division Technology Solutions Group de HP, il n’est pas impératif de procéder à de telles mesures. “Il est plus important de qualifier que de quantifier. Nos partenaires de recrutement savent que nous visons une diversité des talents, et c’est le plus important.” Ils pourraient pratiquer la discrimination positive, mais dans ce cas uniquement pour des candidats tout à fait équivalents, et vu que le candidat ne sera jamais interrogé sur son origine, cela ne pourrait se faire que “sur la base de présomptions.”Pourtant, les trois parties sont d’accord sur le fait que les immigrés ne seront jamais représentés valablement dans les entreprises ICT tant que les problèmes ne sont pas attaqués à la racine. Il s’avère en fait que des immigrés trop peu qualifiés se présentent pour les jobs disponibles. La cause principale vient du fait qu’un nombre limité d’immigrés s’embarquent dans des études supérieures, et qu’un nombre encore plus limité obtient un diplôme en informatique. Ici encore, peu de chiffres sont disponibles pour des raisons de protection de la vie privée, mais une école supérieure pouvait compter sur une main le nombre d’étudiants allochtones qui ont décroché un diplôme en informatique ces dernières années. Par ailleurs, le secteur ICT a perdu de son attractivité auprès des immigrés, autant qu’auprès des étudiants allochtones, ce qui rend le défi encore plus difficile.Retrouvez la totalité de cet article dans le Data News qui paraît ce vendredi.

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