Le logiciel d’espionnage Palantir de Peter Thiel entend s’étendre davantage en Europe

Peter Thiel © Reuters
Els Bellens

‘La jeune entreprise la plus secrète des Etats-Unis’, Palantir Technologies, a triplé ses revenus en Europe ces dernières années. Et l’entreprise envisagerait de s’y étendre encore.

La jeune entreprise pesant 20 milliards de dollars est depuis quelque temps déjà bien ancrée aux Etats-Unis grâce à une série de contrats publics lucratifs, mais elle devient à présent aussi toujours plus populaire en Europe. Ces trois dernières années, l’entreprise a triplé ses revenus sur le Vieux Continent, comme l’explique son CEO Alex Karp à l’agence de presse Bloomberg.

Palantir Technologies tire son nom de la boule en cristal avec laquelle le méchant (spoiler) Sauron surveille son esclave Saruman dans ‘Le Seigneur des anneaux’, est une entreprise de ‘data mining’ (fouille de données) qui comble une lacune sur le marché de l’espionnage. Elle est de ce fait l’une des firmes les plus mystérieuses de la Silicon Valley et à juste titre. Elle collabore en effet notamment avec la NSA, la CIA et le FBI et est souvent utilisée par la ville de New York par exemple pour combattre la criminalité et les nuisances.

Lorsqu’un pouvoir public ou une entreprise fait appel à Palantir, elle peut utiliser son logiciel d’analyse des données pour fondre des informations provenant de toute une série de sources dans un seul et même outil et pour rechercher des modèles. A New York, indiquer Gizmodo, cela signifie par exemple que certaines agences urbaines ont accès à tous les renseignements que la ville connaît à propos d’un lieu. La technologie est entre autres exploitée pour combattre les AirBnB illégaux et pour savoir qui ne paie pas ses impôts.

Croissance en Europe

Palantir a été créée en 2004 sur base de contrats publics américains et avec le soutien financier de la CIA. Depuis lors, elle tente de s’ancrer davantage dans le secteur privé. AXA, BP, le Crédit Suisse et la Deutsche Bank notamment appartiennent entre-temps au nombre de ses clients. Le mois dernier encore, l’entreprise a conclu des accords avec le géant pharmaceutique allemand Merck et avec l’avionneur français Airbus. Elle travaille en Europe également pour les gouvernements danois et britannique. Cela n’a peut-être rien de surprenant pour ce dernier, étant donné que la Grande-Bretagne possède aussi le record mondial ‘du plus grand nombre de caméras publiques par habitant’.

Forte de tous ces contrats, l’entreprise est bien partie pour devenir financièrement indépendante. Palantir opérait jusqu’à présent surtout avec du capital privé. Au cours de différentes phases de financement, elle a réussi à récolter pas moins de vingt milliards de dollars.

Crainte en matière de respect de la vie privée

Mais cela ne signifie pas que tout y est au beau fixe. L’entreprise a déjà été critiquée pour des atteintes au respect de la vie privée, parce que son logiciel de data mining permet des formes de surveillance poussées. Elle pâtit aussi du fait d’avoir été créée par Alex Karp et surtout par Peter Thiel, mieux connu aujourd’hui pour être le délégué et conseiller conservateur de Donald Trump que comme investisseur dans Facebook et PayPal notamment.

Le fait que Thiel et Trump soient amis, n’a rien de surprenant. Tous deux ont des visions similaires sur les immigrants et la presse (Thiel a été jugé coresponsable de la fin du site d’actualités Gawker, et son entreprise privilégierait systématiquement les candidats blancs par rapport aux postulants d’origine asiatique. Les organisations en charge du respect de la vie privée considèrent dès lors avec méfiance sa collaboration avec les autorités américaines actuelles. Elles craignent que la technologie de Palantir, une fois en possession du gouvernement Trump, puisse prendre des proportions à la Big Brother. L’une des principales craintes concerne par exemple la promesse faite par Trump de dresser une ‘liste des musulmans’, à savoir un registre des musulmans et migrants, qui servirait à vérifier s’ils pourraient constituer une menace pour le pays.

Selon le magazine Fortune, on n’en serait pas loin. Palantir collaborerait déjà avec la douane américaine pour mettre en oeuvre un système destiné à tracer les citoyens et à examiner s’ils représentent un risque. L’Analytical Framework for Intelligence puiserait des informations de toute une série de bases de données, afin de créer des profils individuels incluant des détails personnels, historiques de déplacements et contacts sociaux.

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