Le diamant d’Hasselt sera-t-il le composant essentiel de l’ordinateur quantique?

Cet ordinateur quantique d'IBM doit être refroidi jusqu'à une température tout juste au-dessus du zéro absolu, alors que les qubits en diamant sont opérationnels à la température ambiante. © IBM
Pieter Van Nuffel Journalist DataNews

Des chercheurs de l’université d’Hasselt et de l’Imec louvaniste ont réussi à concevoir un qubit en diamant artificiel. “Le grand avantage de notre qubit en diamant est qu’il est lisible électriquement et peut fonctionner à la température ambiante”, déclare le professeur Milos Nesladek.

Les grandes entreprises IT sont actuellement engagés dans une course à qui lancera sur le marché le premier ordinateur quantique opérationnel. Le mois dernier, IBM a sorti son premier prototype du laboratoire. Même si l’entreprise a déjà qualifié son appareil de ‘premier ordinateur quantique commercial’, la réalité technologique est quelque peu plus complexe. L’ordinateur quantique d’IBM fonctionne sur base de qubits super-conducteurs. Ceux-ci doivent être refroidis jusqu’à une température tout juste supérieure au zéro absolu (moins 273 degrés Celsius), ce qui fait que l’ensemble doit être protégée par un dôme hermétique à vitrage résistant à la chaleur.

“En outre, ce genre de circuit électronique super-conducteur s’avère très encombrant”, précise l’étudiant doctorant Jelle Vodnik (Universiteit Hasselt). L’appareil d’IBM ressemble actuellement à un bloc de 3 mètres de haut. “Et si l’on souhaite augmenter le nombre de qubits, il pourrait devenir encore nettement plus grand.”

Son équipe de recherche a par conséquent misé sur une autre solution: au lieu d’utiliser des super-conducteurs pour créer les qubits, ils sont partis d’un diamant ultra-pur. Le diamant se compose d’atomes de carbone parfaitement agencés dans un réseau cristallin. Les chercheurs ont remplacé l’un des atomes de carbone par un atome d’azote. Ils en ont supprimé un autre pour faire une place libre dans le réseau. “Cela change le schéma énergétique, par lequel un état métastable se forme. Il existe deux façons de retomber de l’état d’excitation à l’état fondamental”, explique Jelle Vodnik. On pourrait comparer cela à une balle qui se trouve tout en haut d’une montagne et qui peut descendre en roulant de part et d’autre de celle-ci. Aussi longtemps que la balle se trouve tout en haut, elle peut fonctionner comme un bit quantique.

Le diamant d'Hasselt sera-t-il le composant essentiel de l'ordinateur quantique?
© UHasselt

Du diamant comme matériau pour un ordinateur quantique? Cela peut sembler onéreux, mais il n’en faut pas beaucoup pour créer un seul bit quantique, selon Vodnik: “En principe, il suffit de quelques atomes. Il en résulte que ces qubits prennent moins de place que ceux conçus sur base de super-conducteurs.”

Autre avantage par rapport à ces derniers: les qubits en diamant fonctionnent tout simplement à la température ambiante. “Il en résulte qu’ils peuvent être mis en oeuvre nettement plus aisément dans des applications technologiques”, spécifie le professeur Milos Nesladek (UHasselt). Ce dernier est l’un des auteurs de la recherche qui a été publiée vendredi dans la revue scientifique renommée Science.

IMO-IMOMEC, l’institut de recherche intégré à l’Universiteit Hasselt et à l’Imec, a acquis trente ans d’expérience dans la création de diamants artificiels. Les physiciens hasseltois ne sont pas les premiers à avoir eu l’idée d’utiliser le diamant pour fabriquer des qubits, mais ils sont par contre les premiers à pouvoir manipuler et lire aisément par voie électrique ce genre de qubits, sans devoir passer par une volumineuse structure optique.

La puissance des calculs quantiques

Contrairement à un ordinateur traditionnel, où chaque bit se compose soit d’un un, soit d’un zéro, l’ordinateur quantique utilise des qubits. Ce qui caractérise ces ‘bits quantiques’, c’est qu’ils peuvent se trouver dans un état de ‘superposition’ et peuvent donc être simultanément des ‘0’ et des ‘1’.

Deux qubits ‘enchevêtrés’ peuvent alors prendre en même temps les combinaisons ‘0-0’, ‘1-0’, ‘0-1’ et ‘1-1’. Quatre possibilités donc. Avec 20 qubits combinés, on arrive à plus d’un million de combinaisons possibles, alors que 100 qubits fournissent déjà plus de combinaisons que le nombre de grains de sable sur Terre. Les possibilités que 300 qubits associés offriraient, dépasseraient même le nombre d’atomes dans l’univers.

Grâce à ce nouveau mode de calcul, un ordinateur quantique pourrait déterminer simultanément un grand nombre de scénarios tirés de modèles financiers, voire simuler la nature jusqu’à un niveau microscopique.

Les chercheurs hasseltois sont parvenus à créer un seul qubit lisible électriquement. La méthode ne fournit donc actuellement pas encore de puissance de calcul supplémentaire. Pour en arriver à de véritables applications technologiques, il convient encore de relier les qubits les uns aux autres. “Nous devons à présent trouver une façon d’interconnecter ces qubits. Mais le premier pas est en tout cas accompli”, déclare Nesladek.

“Les possibilités sont ainsi ouvertes. La technologie pourrait ainsi en fin de compte générer des capteurs quantiques pour satellites, capables de mesurer les champs électromagnétiques. Dans le secteur automobile, cette technologie pourrait garantir une lecture très précise et sans contact du courant dans les batteries des voitures électriques.”

1 milliard d’euros pour la recherche sur les ordinateurs quantiques

La recherche sur les qubits en diamant s’inscrit dans le programme Quantum Flagship européen, par lequel l’Union européenne entend devenir le numéro un dans le domaine de la technologie quantique. Dans ce but, l’Union européenne a libéré 1 milliard d’euros pour permettre aux chercheurs et aux entreprises de se consacrer à la technologie quantique et aux nombreuses applications.

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