La Silicon Valley exile les néonazis dans le web profond

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Pieter Van Nuffel Journalist DataNews

Après les messages haineux relatifs aux violentes manifestations de Charlottesville, différentes entreprises internet américaines ont pris le taureau par les cornes en supprimant massivement les comptes du mouvement prônant la ‘suprématie blanche’.

Dans le passé, il se disait souvent dans la Silicon Valley que ce n’était pas la tâche des entreprises technologiques de juger quel contenu tombait sous le coup de la liberté d’expression ou non. Ces dernières années, elles ont néanmoins toujours davantage supprimé les messages haineux violents, comme la propagande IS. Certes parfois à contrecoeur et principalement sous la pression des autorités. Mais à présent, un grand nombre d’entreprises internet décident pour la première fois de mettre massivement hors ligne les comptes propagateurs de haine et ce, de leur propre initiative.

Cela a débuté dimanche dernier, lorsque le site Daily Stormer fut pris pour cible, après avoir publié un article offensant sur une femme décédée lors des événements de Charlottesville. GoDaddy, la firme où le nom de domaine était enregistré, a annoncé que le site web néonazi devait se chercher un autre hébergeur. Ce site, qui a tiré son nom du journal de propagande Der Stürmer d’Hitler, avait entre-temps déménagé chez Google, mais il a dû aussitôt décamper.

Je me suis réveillé de mauvaise humeur et j’ai décidé de les virer d’internet

L’entreprise de sécurité Cloudflare a supprimé hier mercredi ses services pour le site néonazi. Cette opération est plus importante qu’il n’y paraît. Sans que ce genre de site web puisse agir sur un réseau comme Cloudflare, il a été mis hors ligne en un minimum de temps par des attaques DDoS.

‘Je me suis réveillé de mauvaise humeur et j’ai décidé de les virer d’internet’, a ainsi expliqué le CEO de Cloudflare, Matthew Prince, dans un courriel adressé à son personnel.

Cette décision est étonnante dans la mesure où l’entreprise de Prince est connue pour être aussi neutre que possible et faire preuve d’une grande prudence avec la censure. Lorsque le Daily Stormer se mit cependant à affirmer que Cloudflare cautionnait en secret son idéologie raciste, c’était la goutte d’eau qui fit déborder le vase pour l’entreprise de sécurité. Elle fit alors en sorte que le site web néonazi devienne une proie pour des attaques DDoS.

Jamais le bienvenu

‘La trahison de Cloudflare complique encore davantage les choses, mais nous reviendrons’, a réagi Andrew Anglin, fondateur du site propagateur de haine. Ce mercredi, le site web fut brièvement disponible sur un domaine internet russe, mais plus tard ce même jour, dailystorm.ru fut mis de nouveau hors ligne.

Précédemment, le site web tenta aussi sa chance auprès d’un fournisseur chinois, mais il fut immédiatement bloqué. Les néonazis trouvèrent alors temporairement refuge dans le web profond (dark web). Cet ‘enfer de l’internet’ est assez souvent occupé par des sites extrémistes, où ils peuvent opérer de manière indépendante et anonyme. C’est du reste par un message dans le dark web qu’Anglin indiqua à ses adeptes l’URL russe entre-temps supprimée.

Canaux de communication paralysés

C’était là sa seule possibilité dans la mesure où via ‘l’internet normal’, le mouvement de la suprématie blanche ne peut plus que malaisément communiquer. Les comptes néonazis ont en effet été supprimés de YouTube et des médias sociaux. C’est ainsi que Twitter et LinkedIn ont annulé les comptes de Daily Stormer. Que Facebook, qui interdit explicitement les messages de haine, a mis hors ligne diverses pages néonazies et de la ‘suprématie blanche’, dont aussi des comptes Instagram et une page d’événements qui avait organisé une réunion ‘Unite the Right’. Et que Reddit a supprimé un groupe de discussion qui avait cautionné cette réunion.

En outre, Kickstarter et GoFundMe ont aussi rejeté le mouvement extrémiste, afin qu’il ne puisse plus récolter de l’argent par crowdfunding (financement participatif).

Spotify supprima de son côté la musique d’un grand nombre d’artistes qui passent pour être des défenseurs du mouvement ‘white power’. ‘Spotify ne tolère aucune musique illégale qui propage de la haine ou qui appelle à la violence au nom de la couleur de la peau, de la croyance, de la sexualité ou de tout autre critère’, a affirmé un porte-parole de l’entreprise à Billboard.

Une poignée d’entreprises technologiques détermine le contenu

Prince, le CEO qui décida de son propre chef de mettre hors ligne The Daily Storm en arrêtant la sécurité Cloudflare, déclare avoir éprouvé des difficultés du fait qu’il devait prendre lui-même une décision aussi importante. Il craint aussi que cela crée un précédent, ce qui fait que des autorités pourraient encore exiger plus rapidement des mesures de censure de ce genre de la part d’entreprises internet.

En outre, les lois sont différentes dans chaque pays, ce qui fait que seuls les acteurs en vue pourront y faire face, selon lui. ‘A l’avenir, un petit nombre d’entreprises déterminera toujours plus ce qui peut ou non rester en ligne’, prévient-il sur son blog.

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