La maîtrise des coûts reste la grande priorité des CIO

Plus que leurs homologues étrangers, les CIO belges sont actuellement amenés à gérer des problèmes de compression des coûts au détriment de l’innovation et de la création de valeur… au point que leur fonction s’apparente parfois à une succession d’exercices d’équilibre financier. Retour sur leurs rôles les plus importants avec quelques personnalités de premier plan.

L’enquête globale sur les CIO réalisée par Deloitte, à laquelle ont notamment participé 36 répondants belges, dévoile des différences tout à fait frappantes entre ces derniers et le CIO moyen à l’échelon mondial. Dans notre pays, l’attention se focalise en effet nettement plus sur la réduction des coûts et l’amélioration de l’efficience – un point qui trône d’ailleurs tout en haut de la liste des priorités, devant l’innovation et la croissance. ” La croissance n’est pas aujourd’hui notre préoccupation première “, confirme Werner Jacobs, directeur de l’information et directeur financier chez De Lijn. ” Nous accordons actuellement beaucoup plus d’attention à une exploitation la plus efficiente et la plus économique possible de notre capacité, et c’est donc cet aspect qui oriente nos initiatives actuelles en matière de technologie. “

Werner Jacobs, CIO et CFO chez De Lijn.
Werner Jacobs, CIO et CFO chez De Lijn.

Ce reflexe passablement conservateur tient aussi à la conscience qu’il n’est que rarement voire jamais possible de développer une nouvelle technologie ou un nouveau business à partir de rien. L’héritage du passé est nécessaire pour continuer à faire tourner l’entreprise, avertit Johan Kestens, CIO chez ING Belgium : ” Les solutions traditionnelles resteront malheureusement incontournables pendant bien des années encore, mais l’innovation et l’évolution aussi sont une nécessité. Pour rendre possible une collaboration sans accrocs entre les deux et garantir la continuité, une bonne architecture de base revêt une importance capitale. ” Reste que le souci de cet héritage ne peut donc pas devenir un obstacle à l’innovation, renchérit Paul Danneels, CIO au service flamand de l’emploi (VDAB) : ” Les moyens dévolus à l’innovation et à l’introduction de nouveaux services doivent être clairement distincts des budgets destinés à l’entretien des systèmes de base ou historiques. “

Johan Kestens, CIO d'ING Belgium.
Johan Kestens, CIO d’ING Belgium.© Julien Leroy

Fini, le plafond de verre ?

Contrairement à ce qui se passe dans bien d’autres pays, les CIO belges ont souvent encore la frustration de ne pas être vraiment entendus tant qu’ils ne font pas eux-mêmes partie de la direction. Un constat indirectement confirmé par Werner Jacobs, à la fois directeur de l’information et directeur financier, à qui cette double fonction permet de se faire entendre au comité directeur en sa qualité de CIO. Werner Jacobs ne s’inquiète toutefois pas trop de ce fameux ” plafond de verre ” : ” Le poste de CIO ne cesse de gagner en importance à mesure que la technologie devient un outil de plus en plus indispensable. Le CIO devra presque inévitablement agir au niveau dirigeant pour contribuer à réaliser la stratégie et la transformation de l’entreprise. “

Paul Danneels, CIO de VDAB.
Paul Danneels, CIO de VDAB.© Frank Bahnmuller

Il revient ici aux talents informatiques de chercher eux-mêmes des liens avec l’activité de leur entreprise, estime Paul Danneels : ” Le secteur des TIC est sans cesse confronté à des innovations qu’il peut convertir en nouvelles possibilités attrayantes pour l’organisation. Il peut ainsi évoluer de services strictement nécessaires vers des services désirables et mieux se profiler à l’intérieur de l’entreprise. “

Le secteur des TIC peut évoluer de services strictement nécessaires vers des services désirables.

Il n’est d’ailleurs pas rare que certaines responsabilités se retrouvent automatiquement entre les mains du CIO – on songe par exemple aux aspects touchant à la compliance et au respect des lois et réglementations. Dans la mesure où ces questions concernent pour une large part des données qui transitent par les systèmes informatiques et qui y sont conservées, la responsabilité retombe en grande partie si pas entièrement sur les épaules du CIO. De ce fait, ceux qui travaillent dans le secteur financier sont aussi de plus en plus souvent en charge des interactions avec les structures de surveillance telles que la BCE, mais aussi de l’application de lois et réglementations en constante évolution, explique Johan Kestens.

Collaborer avec des stakeholders externes

À ce niveau aussi, on voit aujourd’hui se développer un nouvel équilibre : le CIO évolue de plus en plus d’un rôle largement interne vers une fonction beaucoup plus tournée vers l’extérieur. ” Dans certains cas, il lui incombe même d’initier des collaborations avec des stakeholders extérieurs “, ajoute Paul Danneels. ” J’ai par exemple moi-même contribué à la création de nouveaux services d’emploi en collaboration avec de jeunes diplômés. “

Le CIO a toutefois aussi la délicate mission d’évaluer si tous les outils technologiques doivent bien rester sous sa responsabilité. Werner Jacobs estime que ce n’est pas le cas : ” Mieux vaut que les départements commerciaux s’approprient les services technologiques qui sont les plus pertinents pour eux. L’informatique décisionnelle devrait par exemple dépendre du département financier, c’est davantage dans la lignée de la logique d’entreprise. “

Les CIO belges évoluent du rôle d’opérateur de confiance à celui d’instigateur du changement voire de co-créateur d’entreprise.

L’infrastructure elle-même sera par contre gérée de façon croissante à l’extérieur de l’entreprise, prédit Johan Kestens : ” Les fournisseurs vont de plus en plus encourager le recours au Cloud pour répondre à tous les problèmes de mise à jour et d’entretien du client. ” L’offre est effectivement tentante, car le fait de déléguer la gestion et l’entretien permet au CIO de se concentrer sur tous les aspects évoqués plus haut – la recherche de nouvelles technologies, de nouveaux accords de collaboration, des meilleures solutions aux problèmes des partenaires d’affaires… Néanmoins, la transition vers le ” nuage ” ne se fera pas sans mal, souligne Johan Kestens. ” La question fondamentale reste de savoir quel degré de confiance nous pouvons accorder à ces solutions et à ceux qui les fournissent, et quel niveau de contrôle nous pouvons leur confier. Une autre question importante est de savoir si l’on peut facilement s’en détacher si besoin. “

Le leadership, une compétence indispensable

Eu égard à ce qui précède, on peut s’attendre à ce que les CIO belges évoluent eux aussi de plus en plus du rôle d’opérateur de confiance à celui d’instigateur du changement voire de cocréateur d’entreprise, et grimpent donc les échelons de l’échelle de valeur. Une condition importante pour que cette évolution se concrétise est toutefois qu’ils soient en mesure de s’entourer d’une équipe forte et qu’ils possèdent les compétences en leadership qui leur permettront de développer ces talents si les activités de l’entreprise l’exigent.

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