‘La 5G prévue pour 2022’

Stephane Richard © Belga

Réunissez les patrons de KT, d’Huawei, de la Commission européenne et d’Orange à propos de la 5G et voici ce que cela donne.

Connaissez-vous le sens de l’humour qui règne au sein du fabricant télécom chinois Huawei? Le CEO de l’entreprise, Ken Hu, n’en manque tout cas pas. Lors du MWC, où l’on a du mal à se déplacer dans la foule, le voilà qu’il montre une vidéo dans laquelle des voitures roulant en trombe s’évitent comme dans un ballet et envoient même un passant de l’autre côté de la rue. Et le CEO de déclarer alors en anglais sans accent: ‘Avant qu’une voiture puisse réagir avec la 4G à un signal d’urgence, elle se trouve à 100 km à l’heure 1,4 mètre plus loin déjà. Avec la 5G, ce ne serait que 2,5 cm.’

L’on sait ainsi déjà d’où viendra le fameux premier réseau 5G, même si la standardisation ne suivra que l’an prochain. Ce sera chez KT en Corée pour les XXIIIèmes Jeux Olympiques d’Hiver à Pyeongchang en 2018. Février 2018. ‘La 5G est proche’, assure le CEO Chang-Gyu Hwang.

63 pour cent d’utilisateurs LTE en Corée

En l’espace de deux ans, la Corée a atteint 100 pour cent de couverture LTE et 63 pour cent de pénétration LTE. La vitesse a été quadruplée, l’utilisation de la vidéo a été multipliée par 14, le shopping mobile par 13 et le banking mobile par 5, selon Hwang: “LTE a créé un tout nouveau monde. Cela aurait dû être une grande surprise, mais je m’y attendais.”

Hwang est un believer. Il croit que la 5G réduira radicalement les coûts réseautiques et mettra en branle une nouvelle économie de services. Il fut en 1989, à Stanford, l’un des ingénieurs à l’initiative de la percée de Samsung dans les mémoires et la microélectronique dans les années 90. En 2002, il avait prévu que la densité des puces de mémoire les plus sophistiquées doublerait tous les 12 mois. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui la Hwang’s Law.

En 2008, il fut président de Samsung Electronics et en 2010 Chief Technology Officer national de Corée, responsable des projets R&D stratégiques auprès du ministère de l’Economie. Il y lança les programmes en vue d’amener la Corée dans le top 5 des pays technologiques. Depuis janvier 2014, il dirige donc KT, où il déploie un réseau Giga LTE. En Corée, Samsung lance de puissants smartphones sur le marché pour pouvoir suivre le sprint amorcé par les opérateurs.

L’UE recherche encore un consensus

Par comparaison, le commissaire de l’UE Günther Oettinger, en charge de l’économie numérique, est un général qui rassemble encore ses troupes. Mais avec une bonne vision. “La 5G passera par un réseau qui sera aussi omniprésent que l’air que nous respirons. Les seuils d’accès réduits engendreront un marché de développeurs indépendants, tout comme l’informatique dans le nuage (cloud computing) ou les smartphones. La 5G même sera une plate-forme de développement. Ce sera là une chance pour les opérateurs télécoms de se renouveler et d’offrir des services à toute une série de nouveaux partenaires industriels dans l’automobile, le trafic ferroviaire, les soins de santé ou l’énergie”, explique-t-il à Barcelone. Mais aujourd’hui, il doit compter avec les intérêts des 28 états membres, à commencer par l’attribution du spectre. “Il ne pourra pas y avoir de déploiement réussi de la 5G en Europe sans une meilleure coordination de l’attribution du spectre entre les pays membres”, admet-il, en se référant à un appel émis lors d’un top européen, il y a un an et demi. Un partenariat public-privé avec Alcatel-Lucent, Ericsson, Nokia et Orange notamment, voilà sa vision de la 5G. L’Europe prévoit 700 millions d’euros pour la 5G dans son programme de recherche Horizon 2020 sur 7 ans. L’industrie promet de quintupler ce montant. Oettinger espère d’ici la mi-2015 déjà libérer les moyens pour son économie numérique à partir de l’European Fund for Strategic Investments, le fonds public-privé qui doit investir 315 milliards d’euros en trois ans. Ce fonds n’a cependant pas encore franchi le stade législatif de l’UE. En mai dans le cadre d’une mini-ordonnance “Connected Continent” réétudiée, Oettinger promet de faire des propositions destinées à supprimer les obstacles au déploiement des petites cellules et du wifi – essentiellement pour la 5G. Elles seront ensuite en juin déjà passées en revue lors d’un top européen, assure-t-il.

“Profiter de la 4G”

Stéphane Richard, le patron d’Orange (l’ex-France Télécom), refroidit aussitôt le “sense of urgency” du commissaire européen: “Comme vous le savez, la 5G n’est pas prévue pour demain ou la semaine prochaine, mais pour 2020 ou 2022, à une échelle massive”. Après un passage par l’ADN économe en énergie de la 5G et les obligatoires voitures autonomes, il poursuit: “La 4G/LTE suffira aux besoins des années à venir. C’est un gigantesque succès populaire. Profitons-en.” Et de se référer au début désastreux de la 3G en 2000 et aux années rudes qui s’ensuivirent. “La 5G est un véritable projet industriel. Il doit être lancé au moment propice, afin de faire s’enflammer la révolution de l”internet des choses'”, poursuit Richard. Et de garantir qu’Orange jouera un rôle en vue dans le développement de la 5G, notamment à partir de la Next Generation Mobile Network Alliance (où les opérateurs coordonneront leur approche de la 5G), mais aussi avec des fabricants et des chercheurs. “Nous devons être certains d’aller dans la même direction, avec le même objectif, en vue de concevoir un système qui peut réellement être mis au point par l’industrie”, affirme-t-il.

Richard: “D’ici 10 ans, les télécoms et la technologie de l’information seront intégrées dans une infrastructure commune. Les réseaux deviendront de véritables plates-formes innovantes. Elles seront agiles et flexibles et donneront naissance à ce qui pourrait être l”internet de tout’.”

L’on sait maintenant comment les cartes seront distribuées. L’Europe était en retard avec la 4G et le sera aussi avec la 5G. Les fabricants en tiennent déjà compte. “La Corée sera en avance sur beaucoup de points”, a conclu le CEO de Nokia, Rajeev Suri à Barcelone. “Le Japon arrivera 6 mois plus tard, l’Amérique du Nord encore 6 mois après, et l’Europe 3 ou 4 ans après le Japon.” (BL)

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