‘L’oubli en ligne est un droit de l’Homme’

Le débat sur le droit d’être oublié sur internet prend une nouvelle tournure.

‘Le droit à l’oubli – y compris online – est un élément essentiel de ce qui fait de nous des hommes.’ Voilà ce que déclare le professeur Viktor Mayer-Schönberger de l’Oxford Internet Institute dans le journal britannique The Guardian. Il ravive ainsi le débat portant sur le respect de la vie privée sur le web. ‘Les souvenirs numériques nous font seulement repenser à des échecs du passé’, explique Mayer-Schönberger. ‘L’avantage du cerveau humain, c’est qu’il oublie, ce qui nous permet de penser au présent.’

Cela n’empêche pas que ce ‘droit à l’invisibilité’ n’est pas chose évidente. Des entreprises telles Google et Facebook conservent en effet des données d’utilisateurs, même après que ceux-ci aient désactivé leur compte personnel par exemple.

Confidentialité = sexe
Le sociologue Ben Caudron affirme qu’en ligne aussi, un droit à la confidentialité devrait exister. Il rejette ainsi l’argument, selon lequel de nombreux jeunes internautes n’accordent aujourd’hui guère d’importance à cette notion de respect de la vie privée. ‘Beaucoup de jeunes semblent peut-être enclins à penser de la sorte, jusqu’à ce qu’ils prennent conscience de ce que cela implique.’

Des chiffres le démontrent aussi. C’est ainsi qu’une étude réalisée par l’université de Berkeley en 2010 révélait que 84 pour cent des jeunes âgés entre 18 et 24 ans voulaient voir le droit à l’oubli être inscrit dans un texte de loi. ‘L’on entend souvent dire que seuls les losers adoptent une telle attitude’, ajoute Caudron. ‘Ou des gens qui ont quelque chose à cacher. Mais il convient d’établir une distinction entre l’importance du respect de la vie privée et la prise de conscience de sa signification. C’est comparable au sexe: au moment le plus chaud de la relation, le préservatif est souvent la dernière chose à laquelle on pense.’

Kalachnikovs

Le problème, c’est que de nombreux jeunes prennent souvent trop tard conscience de la portée de ce qu’ils mettent sur internet. Des photos peu flatteuses ou des informations personnelles peuvent revenir à la surface des années après encore. Caudron plaide donc pour une plus grande sensibilisation sur le sujet: ‘Lorsque le virus du sida se manifesta pour la première fois, le message diffusé était: faire l’amour, c’est bien, mais il faut se protéger. Il en va de même pour les médias sociaux. Il faut savoir ce que l’on fait.’

La question est cependant de savoir dans quelle mesure une institutionnalisation du droit au respect de la vie privée sur internet est possible. ‘Il s’agit d’un travail de pondération qui doit être fait entre le bien-être social et le bien-être économique’, poursuit Caudron. ‘Mais les kalachnikovs ne sont pas non en vente libre. Nous avons bien pris cette décision.’ Caudron appelle à un débat nuancé et éclairé: ‘Il ne faut pas semer la panique, mais ne pas faire sien non plus l’adage bien connu, selon lequel la technologie résoudra bien le problème.’ (JDW)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire