L’Health House Leuven: vision de l’avenir médical ou showroom sans histoire?

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Sebastien Marien Stagiair Data News 

Juste avant l’ouverture officielle, un petit groupe de journalistes a eu droit à une visite guidée du nouveau centre Health House de technologie médicale à Louvain. L’Health House offre du potentiel, mais ne peut masquer quelques gros soucis.

Hier dimanche, le ministre flamand en charge du bien-être Jo Vandeurzen a officiellement inauguré l’Health House à Louvain. A l’entendre, cette organisation est un centre expérimental abordant l’avenir de la santé et des soins. Le projet est en développement depuis 2015 avec les partenaires fondateurs suivants: KU Leuven, la ville de Louvain, l’Imec, UZ Leuven et la province du Brabant Flamand. L’espace fait 600 mètres carrés de surface et se trouve dans le parc scientifique Arenberg d’Heverlee.

L’Health House entend en premier lieu être le lieu privilégié de visites de délégations d’entreprise. Une exposition est organisée dans divers locaux et fait la part belle à toutes sortes de gadgets technologiques suscitant un sentiment d’interactivité. On y trouve des écrans tactiles interactifs, un grand affichage 3D, un tas de casques Oculus Rift et une imprimante 3D. Qui plus est, un robot de soins Zora est annoncé, avons-nous entendu. Suivez le guide.

‘Exhibition House’

Si demain, une délégation se présente pour une expérience liée à la ville de Louvain, l’Health House prend alors un accent entièrement louvaniste. On aurait donc pu tout aussi bien l’appeler ‘Exhibition House’?

Mais n’allons pas trop vite car de quel guide est-il question? L’Health House propose pas moins de six lignes directrices différentes, chacune étant entièrement adaptée au partenaire qui a réservé l’espace. Si une délégation de la ville de Louvain ou de KBC se présente par exemple, la section Health sera temporairement mise de côté. L’appellation Health House n’est par conséquent pas la mieux choisie, ce qu’une collaboratrice a du reste elle-même reconnu sur un ton badin: “Si demain, une délégation se présente pour une expérience liée à la ville de Louvain, l’Health House prendra alors un accent entièrement louvaniste. On aurait donc pu tout aussi bien l’appeler ‘Exhibition House’?”

Si demain par exemple, une série d’entreprises se présentent vraiment pour un événement lié à la ville de Louvain, l’Health House donnera aux écrans 3D, casques Oculus Rift et écrans tactiles une connotation de circonstance. Il n’empêche que des collaborateurs nous affirment qu’il y a bien un fil rouge standard, à savoir la technologie médicale. Nous en avons eu nous-mêmes la preuve.

L’AI est cool

L’Health House nous emmène à la découverte de l’avenir de la technologie et des soins médicaux. La visite guidée débute en orientant toutes les personnes présentes dans un impressionnant tunnel rempli de panneaux-écrans. On y trouve partout des LED colorées clignotantes qui attirent tous les regards. Sur chaque écran apparaît subitement un cercle mauve, et les visiteurs font ainsi connaissance avec une interface AI appelée ‘Amy’. Amy est en fait notre guide car l’AI est cool de nos jours et donne directement un air de modernité. En fait, il s’agit simplement d’un robot qui fournit des explications tout au long de la visite et qui ne répond donc à aucune question. Il apparaît très vite qu’une voix monotone débitant des explications sur la terminologie médicale sans communication non-verbale ou sous-titres, n’est peut-être pas le meilleur choix qui soit.

L'Health House Leuven: vision de l'avenir médical ou showroom sans histoire?
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Au départ des différents écrans dans le tunnel, Amy explique comment suivre la vie de l’homme dès avant sa naissance jusqu’à sa retraite. A chaque étape de sa vie, il y a de nouveaux développements au niveau médical. Avant de nous en rendre compte vraiment, nous voilà déjà sortis du tunnel pour nous retrouver devant un autre écran et tout autant de LED vivement colorés dans la pièce adjacente.

Et voilà que réapparait Amy, le cercle mauve intelligent, sur l’écran. Alors que nous nous posons la question de savoir pourquoi Amy n’a pu fournir ses nouvelles explications dans le tunnel, nous apprenons que les chercheurs sont toujours davantage capables de déceler des affections dans les foetus sur base de l’ADN. Ce faisant, les médecins peuvent découvrir des maladies avant même la naissance, afin de préparer directement une intervention adéquate.

‘L’ADN n’est pas la solution à tout’

La technologie aide à combattre les symptômes et les effets secondaires des maladies chroniques. Les jeunes souffrant de problèmes de santé chroniques éviteront ainsi une enfance marquée par des visites hospitalières fréquentes.

Amy sait évidemment grâce à ses réseaux neuraux bien entraînés que les interventions préventives n’offrent pas une solution à toutes les affections. Certaines maladies chroniques ne peuvent être enrayées et exigent donc un suivi postnatal. “Il sera à tout le moins possible d’aborder efficacement les symptômes et les effets secondaires. Les jeunes souffrant de problèmes de santé chroniques éviteront au moins ainsi une enfance marquée par des visites hospitalières fréquentes. Des interventions plus intelligentes le permettront assurément. La technologie aide en effet à combattre les symptômes et les effets secondaires des maladies chroniques.”

L’espace suivant est équipé de six écrans tactiles sur lesquels notre guide explique comment les gens pourront dans le futur vivre de manière plus confortable avec des maladies chroniques. Chaque écran affiche un titre. Une simple touchette fait alors apparaître un bloc de texte explicatif.

La startup américaine Cardiogram a mis au point une appli pour Android Wear et l’Apple Watch en vue de déceler précocement des affections cardiaques sur base du pouls et de la mesure de la distance parcourue par la personne. Un autre écran tactile nous en apprend plus sur le VR Tele Rehab. C’est Microsoft Kinect qui est utilisé ici en combinaison avec un casque VR, pour pouvoir organiser à distance des sessions physio-thérapeutiques.

Promesses non tenues

Un pancréas artificiel mesurera bientôt automatiquement le taux de sucre dans le sang, et de l’insuline pourra être administrée sans injection. Les diabétiques entendent cette promesse depuis plus de dix ans déjà.

Malheureusement, les informations sont présentées de manière assez succincte et sèche. Les écrans tactiles sont certes agréables, mais n’apportent pas ce qu’ils devraient, parce que la seule interaction possible pour le visiteur – presser le bouton ‘learn more’ – ne sert en fait qu’à en savoir un peu plus. Certains sujets ne sont en outre que peu concrets et pas toujours innovants.

“Un pancréas artificiel mesurera bientôt automatiquement le taux de sucre dans le sang, et de l’insuline pourra être administrée sans injection. Les diabétiques entendent cette promesse depuis plus de dix ans déjà.”

Amy prétend que les diabétiques recevront sous peu un pancréas entièrement artificiel qui administrera automatiquement l’insuline nécessaire à tout moment opportun. Voilà qui devrait mettre fin aux fastidieuses injections et mesures sur base d’une piqûre dans le doigt.

L’étape concrète importante pour les diabétique de type 1 – les personnes chez qui le pancréas ne produit pas d’insuline dès la naissance – est que notre pays rembourse via l’assurance soins de santé une application qui évite que ces patients doivent plusieurs fois par jour se piquer le doigt pour pouvoir mesurer le taux de sucre dans leur sang. Le FreeSyle Libre est un instrument qui mesure automatiquement les valeurs de glucose existantes via NFC et ce, toute la journée durant.

Médicaments personnalisés?

Après – de nouveau – une brève introduction de la part d’Amy, place au théâtre 3D, où sur base d’une vidéo, c’est la recherche en technologie génétique par l’IMEC et le groupe Genomics Core de la KU Leuven qui est explicitée. Une fois encore, nous en arrivons ici à la découverte et à la prévention prénatales d’affections. Une intervention novatrice, appelée biopsie liquide, est à même d’intercepter les données cellulaires de bébés non encore nés dans le placenta, sans que cela cause le moindre danger pour le foetus même.

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En analysant les ‘données génétiques’, les scientifiques peuvent personnaliser quasiment les médicaments à prescrire aux patients. En outre, ils acquièrent aussi des renseignements grâce à la collecte de grandes quantités de données des gênes humains. On peut malaisément parler de technologie génétique, sans qu’interviennent des questions éthiques. Jusqu’à quel point une personne ou un animal est-il ‘traçable’? La manipulation génétique se justifie-t-elle? C’est ce genre de question qui occupe les chercheurs de l’Institute for human Genomics and Society de la KU Leuven. Mais les visiteurs n’en apprennent malheureusement pas plus sur la perspective éthique du sujet.

Dissection virtuelle

La table de dissection numérique est un instrument pratique tant pour les professeurs expérimentés que pour les étudiants de première année de médecine qui peuvent, façon de parler, mettre ainsi en pratique leur cours d’anatomie.

L’un des éléments les plus intéressants que l’organisation davantage ‘Health’ et moins ‘Exhibition House’ présente, c’est la ‘table anatomage’. Il s’agit là d’une table de dissection numérique d’un prix de 100.000 euros. Sur un écran tactile incorporé à la table, il est possible de disséquer un corps humain virtuel, de s’arrêter sur n’importe quel détail et d’avoir une vision sous différentes perspectives. La table de dissection est un instrument qui peut se révéler d’une grande valeur tant pour les professeurs expérimentés que pour les étudiants de première année de médecine qui peuvent, façon de parler, mettre ainsi en pratique leur cours d’anatomie.

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Une autre application exploite Microsoft Kinect, pour générer un squelette mobile. Les visiteurs peuvent désigner plusieurs parties du corps humain, afin d’apprendre comment des prothèses sophistiquées imprimées en 3D peuvent y être appliquées.

Analyse cérébrale en réalité virtuelle (VR)

Les applications de l’Oculus Rift sont diversement intéressantes. Il est par exemple possible d’apprendre avec un casque comment une crise d’épilepsie peut être traitée au moyen d’un instrument qui stimule le cerveau à l’endroit voulu. Mais ce qui manque ici, c’est l’interaction. On observe cependant comment une crise commence à se former dans les nerfs cérébraux, alors que le rythme cardiaque du patient augmente.

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L’utilisation de moyens impressionnants tels qu’un casque VR, ne signifie pas qu’on ne puisse plus considérer de manière critique l’application de la technologie.

A un moment donné, l’appareil relié au cerveau génère un stimulus permettant de garder la crise sous contrôle. Cela s’avère certes intéressant, mais il convient d’ajouter que cette image pouvait tout aussi bien être obtenue sur base d’une vidéo (3D). L’utilisation de moyens impressionnants tels qu’un casque VR ne signifie pas qu’on ne puisse plus considérer de manière critique l’application de la technologie

D’autres expériences permettent cependant davantage d’interaction et d’explorer par exemple les stimuli dans le cerveau. On arrive ainsi à savoir comment les différentes zones du cerveau sont reliées entre elles. Un professeur de neurologie de la KU Leuven nous apprend ainsi comment des scans du cerveau visionnés en réalité virtuelle peuvent apporter aux chirurgiens une meilleure vision lors d’opérations délicates. En science neurologique, la VR n’est encore appliquée qu’au compte-gouttes dans notre pays. Mais d’un autre côté, elle est de plus en plus utilisée tant pour des analyses dans un contexte éducatif que dans le cas de scans cérébraux complexes de patients en préparation à une intervention.

Cuillère intelligente

Le chapitre ‘soins’ n’est que peu abordé dans l’Health House. A la fin de la visite guidée, Amy nous montre cependant comment un homme, Arthur, est salué par une interface intelligente qui lui tient compagnie. A ce qui se dit, il pourrait aussi utiliser son assistant numérique pour entrer en contact avec sa famille ou des amis. Voilà qui pique notre curiosité, mais une fois encore, rien de concret n’en ressort. Le robot Zora, qui brillait encore par son absence, devrait bonifier la partie soins, nous a expliqué un collaborateur de l’Health House. L’année dernière, l’IMEC avait effectué à Gand une expérience avec des robots dans un home pour personnes âgées.

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Notons encore la présence d’une cuillère intelligente, qui aide les patients souffrant de Parkinson à manger de manière indépendante. En raison des nombreux tremblements des mains, ces patients éprouvent en effet des difficultés à manger de manière autonome. La cuillère Gyenno Anti-Tremor exploite des algorithmes qui détectent les tremblements, afin de générer des contre-mouvements. La façon dont la technologie fonctionne, ne peut être mieux comparée qu’à la stabilisation de l’image optique des appareils photo.

Beaucoup de questions

Le descriptif de la cuillère Anti-Tremor résume en fait ce qu’est l’Health House. Un très bel emballage qui suscite l’intérêt et offre pas mal de potentiel, mais dont la finition laisse quelque peu à désirer.

En tant que visiteur, on ne reçoit malheureusement que des explications quasiment banales du genre: ‘Nous avons encore une cuillère intelligente qui aide les patients souffrant du Parkinson. Elle est réellement plus sophistiquée qu’elle semble à première vue. Vous pouvez l’expérimenter en appuyant sur le petit bouton.’ Une véritable expérience, au cours de laquelle quelqu’un démontrerait comment manger de manière contrôlée, serait à tout le moins nettement plus parlante. Le descriptif de la cuillère Anti-Tremor résume en fait ce qu’est l’Health House. Un très bel emballage qui suscite l’intérêt et offre pas mal de potentiel, mais dont la finition laisse quelque peu à désirer.

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Au terme de la visite guidée, l’ Health House a encore prévu une interface pratique permettant au visiteur de sélectionner les informations qu’il a trouvé les plus intéressantes et de les envoyer directement vers sa boîte mail. Mais ce qui subsiste surtout des interventions d’Amy, c’est un tas de questions à poser. Directement après la visite, nous avons observé comment en quelques clics, l’Health House se convertit en un centre d’informations sur la ville de Louvain via les différents écrans. Cela élargit certes les possibilités d’application de cet espace, mais révèle aussi une petite crise identitaire.

Déménagement et rotation du personnel

Aucune expérience ne peut réprimer le sentiment que l’Health House propose du contenu forcé et un résultat un peu maigre. On a la sensation qu’on n’a pas tiré tout le potentiel des instruments de qualité utilisés.

Il est cependant déjà manifeste que l’actuelle Health House ne fera pas de… vieux os à cet endroit. Avant même que la visite guidée ne démarre, certains collaborateurs nous expliquèrent qu’un emplacement plus grand et moins bruyant était recherché. L’organisation souhaite déménager d’ici un an ou deux ans au maximum et ce, même si le bâtiment actuel est en cours de transformation depuis 2015 déjà. Pour l’instant, on envisagerait un endroit plus proche du centre de Louvain. “En occupant une place plus centrale, l’Health House serait davantage accessible aux passants”, nous a confirmé une collaboratrice. D’après les rumeurs, rien n’est cependant encore décidé officiellement.-

Une dernière question qui est restée sans réponse, c’est à propos de la ‘rotation du personnel’ au niveau des trois collaborateurs de l’organisation. Les trois collaborateurs précédents qui constituaient l’équipe de l’Health House, sont partis fin de l’année dernière, donc avant l’ouverture. Les trois qui les ont remplacés, se sont vu proposer un espace quasi terminé. Même si le contenu n’était probablement pas encore tout à fait au point. La cause principale de cette rotation n’a cependant pas été approfondie.

Ce que nous retiendrons en fin de compte, c’est surtout la présence des écrans tactiles, des LED funky dans le tunnel, du théâtre 3D et des casques VR, mais pas vraiment le contenu en tant que tel et ce, même si les démonstrations de l’expérience Kinect et la table de dissection sont des atouts indéniables. Mais même cela n’a pu réprimer notre sentiment que la grande majorité du contenu de l’Health House est plutôt forcée et un résultat un peu maigre. On a la sensation qu’on n’a pas tiré tout le potentiel des instruments de qualité utilisés. Ce qui nous reste de notre visite de l’Health House, c’est un espace d’exposition multiple, moderne et très intéressant. En quelque sorte une impressionnante ‘Exhibition House’.

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