L’écroulement de la tablette

Wim Kopinga Redacteur DataNews.be

Le marché de la tablette a régressé de quasiment un cinquième l’année dernière déjà, et la croissance ne semble plus y être de mise désormais. Voilà ce qui ressort des chiffres publiés par le cabinet d’analystes GfK à la demande de Data News. Le cabinet d’analystes mesure les ventes de tablettes dans les magasins belges.

Il y a de fortes chances pour que vous n’achetiez pas une nouvelle tablette cette année car le nombre d’exemplaires écoulés annuellement est en chute libre rapide.

Ce n’est pourtant qu’en 2010 que l’iPad fut introduit par Steve Jobs. Ce faisant, il créa un marché qui n’existait pas encore et qui concernait un nouveau produit à mi-chemin entre le smartphone et l’ordinateur portable. Dans un premier temps, les réactions du public furent tièdes. La plupart des gens pensaient en effet ne pas avoir besoin d’une tablette, mais aujourd’hui, nous en avons quasiment tous une. Car depuis son introduction en 2010, la tablette a connu une énorme croissance dans notre pays. De 50.000 exemplaires vendus la première année jusqu’à 1,3 million en 2013. Mais cette apogée ne fut que de courte durée.

‘Depuis le deuxième trimestre de 2014, le nombre d’unités vendues régresse’, déclare Jürgen De Mesmaecker de GfK. ‘Au début, il s’agissait encore d’un recul de moins de 10 pour cent, mais vers la fin de 2014, l’on en était déjà à 20, voire à 30 pour cent. Et cela se confirme en 2015.’ La raison principale pour laquelle nous n’achetons plus de tablette, c’est que nous n’en avons pas besoin.

L'écroulement de la tablette
© Belga

‘Un iPad ou un iPad2 suffit parfaitement aux desiderata du consommateur. Leur remplacement ne s’impose pas car il n’y a guère d’innovation’, selon l’analyste de marché. ‘Tel n’est pas le cas du smartphone que l’on remplace nettement plus rapidement en raison de sa technologie. Avec une tablette actuelle, l’on peut faire ce que l’on faisait il y a trois ans déjà.’ Voilà pourquoi il n’y a quasiment pas de marché de remplacement pour la tablette, sauf si elle ne fonctionne vraiment plus. Mais une tablette peut dans beaucoup de cas tenir le coup cinq à six ans.

En raison du manque d’innovations, nous ne ressentons donc pas le besoin d’acheter une nouvelle tablette. L’écran d’un nouveau modèle sera certes meilleur et le temps de recharge raccourci, mais il n’y a guère d’autres différences entre 2010 et 2015. ‘Le nombre de tablettes vendues continuera de diminuer, aussi longtemps qu’il n’y aura pas d’incitant technologique qui poussera le consommateur à vouloir changer de tablette.’

La tablette n’est pas non plus un produit personnel. Beaucoup d’entre elles sont utilisées par toute la famille, pas par une seule personne. ‘Souvent, il y a une ou deux tablette(s) par ménage. Les enfants et les parents ont cependant leur smartphone personnel, cela se voit à l’extérieur’, ajoute De Mesmaecker. Or les smartphones deviennent toujours plus grands. Ce sont déjà quasiment des tablettes.

Phablets

Certaines personnes doivent encore s’y habituer, mais les téléphones gagnent toujours plus en taille ces dernières années. Alors qu’avant l’apparition du smartphone, il importait que le GSM soit le plus compact possible, le smartphone ne fait lui que grandir. Depuis 2012, avec la popularité croissante de la série Galaxy Note de Samsung, les grands écrans deviennent toujours plus la normalité. Et alors qu’Apple ne voulait tout d’abord pas entendre parler de grand écran, elle a lors de l’introduction de l’iPhone 6 l’année dernière prévu une version Plus qui abondait dans ce sens.

De ce fait, les smartphones et les tablettes se rapprochent toujours plus. ‘La percée du phablet est une nouvelle solution intermédiaire qui cannibalise les ventes de tablettes’, prétend De Mesmaecker.

Mais d’un autre côté, la concurrence montre le bout du nez car l’ordinateur portable prend toujours plus la direction d’une espèce de ‘super-tablette’. Ces dernières années, l’ordinateur portable 2-en-1, une tablette avec clavier, gagne toujours plus en popularité. La tablette est ainsi coincée entre les deux marchés où elle avait été précisément intercalée par Steve Jobs en 2010.

L'écroulement de la tablette
© Microsoft Surface Pro 3

2-en-1

Nombre d’utilisateurs de tablette ont acheté un clavier pour que leur appareil ressemble à un ordinateur portable. Et alors que l’actuel patron d’Apple, Tim Cook, raillait en 2012 encore le fait que le 2-en-1, c’était comme combiner un frigidaire à un grille-pain, voici que ce marché a récemment solidement progressé.

Microsoft mise par exemple sur le Microsoft Surface Pro 3. Un 2-en-1 qui croît fortement en popularité. Les ordinateurs portables 2-en-1 sont considérés comme des tablettes dans les études de marché. Or Microsoft progresse nettement d’une année à l’autre dans ce secteur. Au deuxième trimestre de 2014, l’entreprise ne détenait encore qu’une part de marché de 3,9 pour cent. Elle est à présent déjà de 8,9 pour cent, selon l’analyste de marché IDC. ‘La progression annuelle de 84,9 pour cent va de pair avec une popularité croissante de l’ordinateur portable 2-en-1 sur les marchés à la consommation et professionnel.’

Longs cycles de vie

Ajoutez-y le fait que le marché de substitution des tablettes est quasiment inexistant, et vous saurez pourquoi les nuages sombres s’amoncellent au-dessus de ces appareils. Le produit est en fait trop bon et tient le coup aisément cinq ans, alors que les smartphones sont souvent remplacés tous les deux ans.

Comme quasiment personne ne remplace une tablette, il y a saturation du marché, selon De Mesmaecker de GfK: ’67 pour cent des ménages possèdent une tablette. C’est énorme, surtout pour ce type de produit car il n’est pas possible d’atteindre 100 pour cent. Voilà qui explique une certaine saturation.’

Manque d’innovations

Le manque d’innovations sur le marché des tablettes fait finalement en sorte que personne n’est réellement incité à en acheter un nouveau modèle. Du fait que d’autres produits ressemblent davantage à des tablettes, il n’y a plus l’envie de dépenser de l’argent dans un nouveau modèle. Le 2-en-1 est un concurrent direct. Et alors que l’iPad, lors de son introduction, était en fait déjà un iPhone à écran plus grand, mais ne permettant pas d’appeler, le phablet rend la tablette superflue. Son seul grand avantage reste celui de sa longévité. Et aussi le fait que les petits enfants peuvent donc continuer d’y regarder sans problème leurs séries favorites cinq années durant.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire