L’appli de paiement POM doit arrêter une partie de ses activités

© POM
Pieter Van Nuffel Journalist DataNews

L’appli POM désactive temporairement la possibilité de paiement de certaines factures, après que la Banque Nationale ait diffusé un communiqué, selon lequel la startup ne possédait pas de licence pour ce faire. La question est à présent de savoir si les entreprises ‘fintech’ belges disposent encore de suffisamment de latitude pour mettre en oeuvre des solutions de paiement innovantes.

Avec l’appli POM (l’abréviation de Peace Of Mind), il est possible de payer des factures en y orientant l’appareil photo d’un smartphone. L’utilisateur est alors directement renvoyé vers l’appli Bancontact et lorsqu’il perçoit quelques secondes plus tard le jingle ‘pom-pom-pom’, cela signifie que l’opération a été exécutée. C’est du reste la seule application mobile en Belgique capable d’identifier les factures sans bulletin de virement. L’appli, à télécharger gratuitement pour iOS et Android, compte quelque 20.000 utilisateurs et est très appréciée.

Jeudi soir, ces utilisateurs POM ont toutefois reçu un message leur signalant qu’une partie de la fonction de paiement était temporairement désactivée. Cette interruption concerne les factures d’entreprises avec lesquelles POM n’a pas de relation contractuelle directe. La startup a pris cette décision, après que la Banque Nationale ait diffusé un communiqué, dans lequel elle annonce que POM n’est pas habilitée à proposer ce genre d’activités de paiement.

“Cela ne concerne que dix pour cent des transactions certes, mais cela n’en constitue pas moins une partie indispensable du service que nous fournissons”, réagit le CEO Johannes Vermeire pour le moins dépité. “Lorsque la Banque Nationale nous l’a fait savoir par courrier il y a quelques semaines, nous lui avons demandé si on pouvait se rencontrer, afin de trouver une solution susceptible de garantir la continuité de notre service. Nous ne voulions en effet pas mettre nos utilisateurs dans l’embarras du jour au lendemain. Mais cette requête a été rejetée. Et mercredi, nous avons subitement été confrontés à une mise en garde via la presse.”

“POM n’est pas en règle légalement. Nous ne pouvions donc rien faire d’autre que lancer une mise en garde”, réagit Geert Sciot, porte-parole de la Banque Nationale. “Nous parlons ici de trafic de paiements. Dans ce contexte, il est absolument essentiel – aussi dans l’intérêt du consommateur – que le cadre légal strict soit respecté. Les institutions bancaires sont contrôlées par la Banque Nationale et doivent satisfaire à de très nombreuses règles depuis la crise bancaire. Cela n’empêche pas que de nouveaux acteurs arrivent sur le marché, qui se soustraient à ces règles.”

La révolution ‘fintech’

Et Sciot d’insister encore sur le fait que cela n’a rien à voir avec un réflexe conservateur ou avec la volonté de freiner des solutions innovantes: “Nous vivons dans le temps présent. La révolution ‘fintech’ est incontournable, et la Banque Nationale tente d’aider autant que possible les nouveaux acteurs. Nous avons même ouvert un guichet à cette fin. Notre intention n’est donc certainement pas de leur mettre des bâtons dans les roues.”

“La Banque Nationale a beau dire, mais dans la pratique, il n’en reste pas moins très compliqué d’obtenir une licence”, soupire Vermeire. Son entreprise a, il y a un an déjà, remis un dossier, mais la Banque Nationale a encore et toujours des questions en suspens.

Entre-temps, la loi a aussi changé. “L’épluchage de la loi ne va pas sans mal”, affirme Vermeire. “Indépendamment de tout le travail que nous y avons nous-mêmes consacré, nous avons déjà dépensé quelque 20.000 euros en conseils juridiques.”

“En outre, il est frustrant de constater qu’un dossier papier est évalué par quelqu’un qui n’est jamais venu voir comment nous travaillons dans la pratique. La proportionnalité est aussi pratiquement absente: une entreprise occupant 8 personnes doit-elle être jugée de la même manière qu’une société comptant 80.000 collaborateurs? Les procédures de recherche de fraude par des employés doivent-elles par exemple être aussi rigoureuses?”

Acharnement juridique?

“Personne ne veut travailler dans l’illégalité, mais ici, il s’agit, selon moi, plutôt d’une espèce d’acharnement juridique”, estime Vermeire. “Je pense que cela va effrayer pas mal de startups, ce qui pourrait représenter un fameux frein à l’innovation et à la créativité.”

Néanmoins, il y a aussi, selon la Banque Nationale, des entreprises ‘fintech’, dont le dossier est quasiment réglé. “Au cours des prochains mois, les premières licences seront attribuées à trois acteurs ‘fintech’, qui sont en ordre avec la loi”, déclare Sciot.

Tout semble indiquer que POM sera du nombre. L’entreprise espère en tout cas pouvoir proposer de nouveau une fonctionnalité complète à ses utilisateurs “d’ici un à deux mois”. Dans ce but, elle entend utiliser la licence d’une autre entreprises ‘fintech’. “Nous sommes actuellement encore en phase de négociations à ce propos”, conclut Vermeire. Entre-temps, la startup peaufine son dossier dans l’espoir d’être enfin reconnue par la Banque Nationale.

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