Congeler des ovules aux frais d’Apple? Les réactions sont partagées

Silicon Valley, trouvez la femme. © Reuters

Le fait que Facebook et, à partir de janvier, Apple soutiennent leurs employées avec des montants allant jusqu’à 20.000 dollars, si elles souhaitent faire congeler leurs ovules, génère autant d’enthousiasme que de critiques. Pour les uns, il s’agit là d’une percée et pour les autres, de la confirmation d’une culture anti-famille.

Silicon Valley, la zone à haute valeur technologique des Etats-Unis, a depuis quelque temps déjà du mal à réguler les déséquilibres entre les sexes et à s’attirer et à garder du personnel féminin de talent. Le fait est que dans ce secteur, il manque encore et toujours de femmes. Dans des entreprises telles Apple, Google, Facebook et Microsoft, les femmes ne représentent que quelque 30 pour cent des effectifs, voire de 15 pour cent seulement dans les emplois techniques chez Facebook.

Cette situation a provoqué pas mal de critiques au fil des années. L’on insiste de plus en plus souvent sur le fait que c’est une culture basée sur une vie en commun d’hommes qui dévorent des pizzas et adorent la vie nocturne.

Mais indépendamment de cela, la culture d’entreprise est beaucoup plus difficilement endurable pour les employés avec enfants et manifestement surtout pour les femmes.

Harmoniser l’horloge biologique et la carrière

Et voilà donc que Facebook d’abord, puis Apple ont pris une série de mesures permettant aux femmes, comme un commentateur l’a formulé, d’harmoniser leur horloge biologique et leur carrière. La raison en est plus ou moins la suivante: les femmes ressentent le besoin de la maternité au moment précis où elles sont le plus créatives et dynamiques pour leur entreprise. Si elles sentent qu’elles pourront à coup sûr encore avoir des enfants à un âge plus avancé, elles penseront d’abord à poursuivre leur carrière. Lorsqu’elles l’auront fait en connaissance de cause, il leur sera aussi plus facile de revenir au travail après l’accouchement et le congé de maternité. Alors que les femmes – et c’est un phénomène connu chez Apple et Facebook – qui ont des enfants autour de la trentaine, ont en général des difficultés à relancer leur carrière après coup.

Le ‘pack’ prévu par Facebook et Apple ne consiste pas uniquement dans une intervention financière jusqu’à 20.000 dollars (plus de 15.000 euros) pour la congélation et la conservation des ovules, mais aussi dans une assistance au niveau de la recherche de donneurs de sperme, d’enfants à adopter et de mères porteuses en cas de problème de fertilité.

Les enthousiastes

L’introduction de ce bonus des ovules a généré des réactions plutôt positives, voire parfois exaltées du monde des affaires. C’est ainsi que le magazine Businessweek a écrit à propos du pack Facebook: “Imaginez un monde dans lequel la vie n’est pas dictée par une horloge biologique. A 25 ans, une femme peut ‘récolter’ ses ovules et à 35 ans, lorsqu’une belle promotion se présente, elle peut l’accepter sans problème, sans se soucier de la maternité. Elle peut aussi attendre plus longtemps l’homme ou la femme de ses rêves.”

Mais alors que le secteur des affaires est pour, les conservateurs sont contre, comme l’on pouvait s’y attendre: les femmes sont payées pour ne pas avoir d’enfants. Cela va à l’encontre de la famille, peut-on lire sur des sites conservateurs.

Les réactions féministes sont, elles, étonnamment divisées: pour, contre, voire à mi-chemin. “Ma réaction est d’en arriver à un fantastique débat sur le sujet”, déclare Sharon Vosmek, directrice d’une entreprise, Astia, qui tente de soutenir les femmes CEO. “Plus l’élément humain sera abordé, plus la Silicon Valley deviendra compétitive.” Les adeptes apprécient que les grandes sociétés commencent enfin à juger les femmes sur leur valeur et que les femmes aient une plus grande mainmise sur leur vie, deviennent moins dépendantes de leur biologie. D’autres voix se font entendre, qui trouvent qu’il s’agit là en fait de la violation ultime de la théorie selon laquelle le travail et la famille ne vont pas de pair: postposez la maternité, afin de pouvoir faire carrière, ou si vous voulez des enfants rapidement, oubliez votre carrière. L’argent, selon les opposants, pourrait tout aussi bien être utilisé pour l’accueil des enfants ou pour l’assistance des mamans. Pourquoi du reste ne congèle-t-on pas le sperme des employés? La qualité du sperme diminue elle aussi avec l’âge.

‘Aucune garantie’

Le monde médical n’est pas unanimement ravi. L’on y estime qu’Apple et Facebook présentent de manière trop optimiste les grossesses artificielles à un âge plus avancé. Il est certes correct de dire que si la donneuse fait congeler ses ovules lorsqu’elle est plus jeune, les chances de réussite croissent, mais ce n’est toutefois pas une garantie de grossesse. Des schémas comme ceux présentés par Apple et Facebook donnent, selon les spécialistes, le faux sentiment de sécurité que tout va bien se passer au niveau de la grossesse. Selon Amy Allina du National Women’s Health Network, la procédure de la congélation des ovules présente “des risques connus et des avantages inconnus”. Il est encore trop tôt, pense-t-elle, pour s’y fier vraiment.

(RR)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire