Compétences IT de demain: pas de panacée

Pour les initiés, les articles récemment parus dans la presse qui annoncent que bientôt, la Belgique sera confrontée à une pénurie de l’ordre de 14.000 spécialistes en informatique ne constituent pas vraiment une surprise. La question qui se pose est la suivante: quel type de spécialistes devons-nous chercher?

Chercheurs et analystes du marché ne sont pas tout à fait d’accord concernant les qualifications dont devra disposer l’informaticien en herbe s’il veut décrocher un job. Quelques grandes tendances se profilent toutefois à l’horizon. En réalité, il nous faut opérer une distinction entre les compétences ICT escomptées en général dans le chef d’un collaborateur et, plus spécifiquement, celles que l’on attend d’un spécialiste de l’informatique. Au début de l’année, le bureau d’étude de marché IDC publiait un livre blanc consacré aux “e-skills” en Europe, un document basé sur une enquête menée auprès de 600 employeurs, dans 10 pays européens. La question était formulée en ces termes: à quel niveau estimez-vous les compétences ICT de vos collaborateurs actuels et quelles seront d’après vous les futures attentes dans ce domaine? Dans certains cas, les résultats étaient en phase avec les attentes, mais dans d’autres, ils nous ont réservé quelques surprises.OK pour les compétences de baseVisiblement, les compétences ICT de base, notamment l’utilisation des services de messagerie électronique et du traitement de texte ou des tableurs, constituent désormais la routine pour la majorité des collaborateurs, puisque plus de 2/3 des personnes interrogées sont convaincues que quelque 60 pour cent de leurs collaborateurs possèdent ces compétences. Il n’empêche qu’en Europe, de grands écarts subsistent entre, par exemple, la France et le Portugal, où à peine un tiers des employeurs affichent une telle assurance, et la Suède, où près de la moitié d’entre eux en sont fermement convaincus. Dans leur grande majorité, les employeurs pointent un doigt accusateur vers l’enseignement, qui ne remplirait pas ses fonctions en la matière, et en appellent donc aux autorités afin de remédier à cette situation. Selon eux en effet, seules les compétences ICT permettraient d’exercer convenablement la fonction occupée, et ce quel que soit le pays, le type de secteur ou la fonction occupée au sein de l’organisation.Ces connaissances vont toutefois bien au-delà d’un usage épisodique du traitement de texte ou de la messagerie électronique, puisque pas moins de 39% des personnes interrogées affirment avoir besoin de collaborateurs doués de compétences propres au type de secteur dans lequel ils travaillent. En outre, 75% de l’ensemble des organisations sont convaincues que les connaissances ICT de leurs collaborateurs seront déterminantes pour l’avenir de leur entreprise sur le plan de la compétitivité, de l’innovation et de la croissance.Un seul problème demeure: les entreprises prêtes à investir dans les compétences requises ne se bousculent pas au portillon. Pour 60% des sondés, le manque de temps serait le principal facteur invoqué pour justifier la maigre part réservée aux formations par l’entreprise. IDC plaide donc pour une collaboration entre employeurs, gouvernements, enseignement et secteur ICT à l’échelon européen, afin d’aplanir définitivement cet obstacle à l’innovation et la compétitivité en Europe.Cobol? Bien vivant!Voilà pour le collaborateur en général. Mais quid du spécialiste ICT, à quoi ce dernier doit-il s’attendre? Il y a peu, un magazine professionnel américain publiait une liste du top 10 des compétences informatiques obsolètes ou en voie de disparition, une publication qui a suscité pas mal de réactions. C’est surtout la tête de liste, Cobol, qui a provoqué la controverse. Logique lorsque l’on sait que, contrairement au nombre d’avertissement catastrophistes, du type “Doomsday”, le nombre de ‘mainframes’ dans le monde ne recule que de manière infime – il suffit pour s’en convaincre de se pencher sur le secteur bancaire, au sein duquel le mainframe constitue encore toujours le “roc dans la tempête”. A la KBC par exemple, les programmeurs Cobol sont encore toujours ardemment recherchés. Seul hic: personne ne répond à l’appel, tout simplement parce que l’enseignement, à une seule exception près, a complètement déserté ce domaine. Rien de bien étonnant d’ailleurs, car comment intéresser des étudiants à une matière unanimement condamnée depuis des années…Les opinions concernant l’avenir de Cobol ont beau être très partagées, une chose est sûre: ceux qui, aujourd’hui encore, choisissent Cobol comme sujet d’étude, peuvent dormir tranquilles au moins jusqu’en 2020, du moins si l’on en croit Forrester Research. Et de fait, il s’agit ni plus ni moins que de l’un des principaux langages au monde – la moindre transaction financière – ou presque – doit quelque chose à Cobol, ce qui explique pourquoi Forrester est convaincu que Cobol a encore quelques dizaines d’années devant lui, voire même que l’intérêt pour Cobol peut encore progresser dans les très grandes entreprises, de 10 à 50.000 MIPS, car souvent, celles-ci possèdent des milliers d’applications, qu’il faut continuer à entretenir.Pas trop viteCertains emplois sont-ils d’ores et déjà menacés de disparition? Oui, répondent en choeur les analystes, tous ceux liés de près ou de loin à la programmation de routine, aux tests systèmes et à l’infrastructure de technologie pure et dure, sont soit destinés à être transférés et traités en offshore, soit seront automatisés. Certes, il convient de prendre ces informations “cum grano salis”, car nous tenons de source sûre que chez nous, un acteur qui compte dans le secteur des télécommunications est désespérément – et manifestement en vain! – à la recherche de concepteurs PHP pour le développement de nouvelles applications Web et l’entretien des applications existantes.Ce même grain de sel peut d’ailleurs également s’appliquer à d’autres connaissances “legacy” notamment celles qui concernent les systèmes bases de données d’entreprises ou le middleware d’entreprises telles qu’IBM, Sun, Digital ou Data General. Bien sûr, ces logiciels et ce matériel disparaissent très vite de la scène, mais les entreprises qui leur demeurent fidèles ont encore toujours besoin de spécialistes capables de les utiliser. A cet égard, Gartner se livre une observation fort intéressante: d’ici quelques années, nous devons nous attendre à une gigantesque vague de départs à la retraite, celle des “baby boomers”, qui emporteront avec eux leur expérience, et le bureau plaide d’ores et déjà pour que l’on prépare l’émergence d’une “cross-generational workforce”, laquelle combinerait le meilleur des de baby boomers et des nouvelles générations qui déboulent aujourd’hui sur le marché de l’emploi, transfert de connaissances à la clé. Par ailleurs: si, dans nos pays occidentaux, les CIO seront bientôt confrontés à ce problème, leurs homologues des pays en développement connaissent aujourd’hui le phénomène inverse, en l’occurrence une absence totale de collaborateurs IT expérimentés. Peut-être un exutoire intéressant pour les baby boomers désireux de continuer à travailler….?IT et métierAlors, quels sont les atouts en passe de devenir populaires dans l’univers IT? En règle générale: la combinaison de compétences informatiques et de gestion. Quel que soit l’analyste consulté à ce propos, la réponse est invariablement la même: les entreprises sont à l’affût de professionnels IT doués, disposant en sus d’une solide connaissance des processus de gestion. Dans ce contexte, deux fonctions ont le vent en poupe: directeurs de projets et analystes business, et attention ! Il est vivement recommandé de ne pas se contenter de connaissances purement théoriques! Aux Etats-Unis, les spécialistes du recrutement vont jusqu’à affirmer que plutôt que de s’inscrire à un cours MBA, un informaticien a davantage intérêt à diriger une équipe de projet et ce faisant, se forger une expérience dans ce domaine – ce qui fera bien meilleure impression sur son CV. Parmi les attentes les plus souvent citées par les grandes entreprises, l’expérience acquise en tant que responsable de projets internationaux fait vraiment un tabac. Sans oublier des compétences telles que la coordination de projet, l’analyse et la budgétisation des risques, qui constituent autant d’atouts supplémentaires pour les candidats.Les directeurs de projets spécialisés en planification et gestion de la sécurité IT forment une catégorie à part. Une étude menée par IDC pas plus tard que l’an dernier révélait que d’ici 2010, la planète compterait plus de 2 millions de spécialistes de la protection informatique. Dans cette optique, l’existence de spécialistes aptes à diriger et maintenir sous contrôle une telle meute d’individus s’impose comme une évidence. Les nombreux problèmes de protection évoqués ces dernières années dans la presse, avec leur corollaire de nouveaux règlements du type Sarbanes-Oxley n’ont fait que renforcer la demande de spécialistes de la protection, de la gestion des risques et de la conformité – or, ce sont là des fonctions impossibles à traiter en offshore, affirment les analystes.Autre phénomène susceptible, selon les analystes, d’expliquer la véritable explosion de la demande d’analystes métier, le fait que la plupart des entreprises sont véritablement submergées de données, un flux qu’elles n’arrivent plus vraiment à maîtriser. De concert avec les business enterprise architects et les analystes systèmes, cette profession pourrait bien se positionner parmi les professions IT les plus populaires d’ici la fin de la décennie. N’oubliez pas non plus de leur adjoindre le concours d’un bon gestionnaire de stockage, car la gestion des systèmes sur lesquels sont entreposées toutes ces informations deviendra sans nul doute une tâche faramineuse. Ce qui explique sans doute pourquoi les salaires déjà versés aux gestionnaires de stockage spécialisés dans les SAN ont tendance à s’emballer, tout simplement parce que de telles perles sont quasiment introuvables.Des avis divergentsPar contre, en ce qui concerne la valeur des spécialistes du ‘helpdesk’, analystes et bureaux d’études de marché ne sont pas du tout d’accord. Selon les uns, cette profession serait l’une des premières à être menacées d’extinction – du moins dans nos pays occidentaux, car s’il y a une fonction qui mérite d’être prise en considération pour l”offshoring’, c’est bien celle-là. Pas du tout, rétorquent les autres, car pour certaines entreprises, le personnel helpdesk et de support constitue précisément le principal contact avec le client, et cette profession serait donc cruciale sur le plan commercial, car déterminante pour l’image de l’entreprise. A conserver en interne donc!Autre pomme de discorde, celle qui concerne les futures opportunités réservées aux purs spécialistes, par exemple de tout ce qui concerne SAP. Si chacun est persuadé que d’ici cinq à dix ans, ces spécialistes seront encore toujours nécessaires, un certain nombre d’analystes s’accordent à dire qu’il s’agira surtout de sous-traitance vers des firmes spécialisées, et non plus de spécialistes en interne. Le spécialiste SAP encore en fonction devra surtout faire la démonstration de ses compétences commerciales, dans la mesure où ses compétences techniques deviendront subalternes.Mais où les trouver?Un point sur lequel tous s’accordent par contre, c’est la nécessité, même pour le pur informaticien, de disposer, outre ses connaissances spécifiques, d’aptitudes à la communication verbale et écrite. Celles-ci lui seront en effet nécessaires pour participer aux négociations de contrat avec des clients ou des fournisseurs. Une fois de plus, force est de constater que business et IT se recoupent.Une question demeure toutefois sans réponse: où aller chercher tous ces spécialistes, IT et/ou métier? S’il faut en croire les chiffres publiés par l’agence américaine de placement, d’ici quelques années, un nouvel emploi sur quatre aura un lien avec l’informatique, et tout porte à croire que chez nous, les choses ne seront pas franchement différentes. Pourtant, le nombre de jeunes qui optent pour une formation en informatique ne cesse de diminuer. Pour la plupart des observateurs, cette désaffection serait encore toujours liée à l ‘image de ‘nerd’ accolée à l’informaticien, celle d’un marginal, antisocial et introverti, incapable de parler d’autre chose que d’ordinateurs. Bien sûr, nous savons qu’il n’en est rien….

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