Kristof Van der Stadt

‘Avec le bitcoin, il y a beaucoup plus de manières de perdre de l’argent que d’en gagner’

Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

“Lorsque j’entends et que je vois comment le bitcoin – et par extension les altcoins, le terme générique qui recouvre pas moins de 1.500 cryptomonnaies – séduit un public toujours plus large, je retiens mon souffle,” écrit Kristof Van der Stadt, le rédacteur en chef de Data News.

Ce fut un été typiquement belge, estime Frank Deboosere. Avec ses hauts et ses bas. Un été où ont alterné soleil et nuages accompagnés de pluie, et dont le Belge ne sait toujours pas s’il doit se plaindre de la chaleur dans sa chambre à coucher où de la boue dans son jardin. Avec les traditionnelles périodes mortes.

Avec le bitcoin, il y a beaucoup plus de manières de perdre de l’argent que d’en gagner

Bref, un été capricieux, instable. Volatile, diront les investisseurs. Aussi variable que le cours du bitcoin au début de l’été. La cryptomonnaie a même plongé mi-juillet à son niveau de mai, à savoir 1.623 ? le bitcoin. Après quoi elle a amorcé une belle remontée. Chaque jour, le bitcoin reprenait de la valeur : to the moon pour traduire l’optimisme en jargon bitcoin. Au moment d’écrire ces lignes, le bitcoin atteint à nouveau 4.026 ?. Soit, eh oui, une plus-value de 2.403 ? en 2 mois à peine.

Voilà qui frappe évidemment les esprits et suscite une nouvelle ruée vers l’or. Surtout chez le Belge qui, assis à une terrasse ensoleillée, se délecte d’histoires à succès. La chose m’a particulièrement frappé ces derniers mois : tout le monde n’avait que ce mot à la bouche. Avec une bière à la main autour du barbecue. ” A propos, tu en penses quoi du bitcoin ? ” ” Où peut-on se le procurer ? ” Et surtout : ” Combien de temps me faudra-t-il pour devenir millionnaire ? ”

La ruée vers l’or, disions-nous. Mais aussi FOMO, ou The Fear of Mission Out, la crainte de rater le bon wagon et d’être le seul à ne pas s’enrichir. Poussé par la FOMO, sans la moindre connaissance pourtant du sujet, à bout de souffle à force de courir et aveuglé par le soleil de la quête effrénée au travers une forêt de plateformes et de wallets ? L’accident était inévitable.

Lorsque j’entends et que je vois comment le bitcoin – et par extension les altcoins, le terme générique qui recouvre pas moins de 1.500 cryptomonnaies – séduit un public toujours plus large, je retiens mon souffle. Car il y a beaucoup plus de manières de perdre de l’argent que d’en gagner. Le cours des cryptomonnaies fluctue et l’on assiste à de la spéculation et de la manipulation par des traders qui ont tout intérêt à faire baisser (quelque peu) une cotation ou au contraire la voir monter. De plus, personne ne sait vraiment si la valeur actuelle de toutes ces monnaies reflète correctement ou non le potentiel de la technologie. Pour l’informaticien, il n’est déjà pas évident de décrypter un whitepaper sur une cryptomonnaie. Et combien d’investisseurs en bitcoins savent-ils où ils mettent leur argent ?

Et en l’occurrence, je ne parle pas encore de la complexité technique de ce type d’investissement, des dangers de piratage – les crybercriminels sont aussi touchés par la fièvre de l’or – et des risques d’erreur humaine, car si vous perdez la clé de votre wallet ou que vous faites la moindre erreur dans une transaction bitcoin, votre argent est perdu. C’est un peu comme un virement bancaire erroné, sauf que dans le bitcoin, il n’y a pas de banque ou d’instance centrale pour offrir des garanties : tel est précisément la philosophie de ce système décentralisé de chaîne de blocs.

Bref, la méfiance est de mise. La mode ICO – Initial Coin Offering, destinée à permettre aux entreprises de se financer via les cryptomonnaies – est encore plus dangereuse. Un système non régulé qui draine énormément d’argent. Une réglementation en matière d’ICO ne serait pas une mauvaise chose : pour protéger les commerçants et investisseurs, mais surtout pour écarter les arnaqueurs. Même si une telle réglementation serait contraire au principe de décentralisation de la blockchain.

Reste à voir si le Belge sur sa terrasse et devant sa bière a déjà investi dans le bitcoin. Peut-être constatera-t-il, une fois ses lunettes de soleil ôtées, qu’il s’est laissé aveugler. Ou que des temps difficiles s’annoncent ? Car l’hiver est à nos portes…

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