Analyse des raisons du départ de Rod Beckstrom, CEO de l’Icann

Frederik Tibau est rédacteur chez Data News.

Rod Beckstrom, le CEO de l’Icann, a annoncé sur Twitter qu’il quittera le gestionnaire de noms de domaine en juillet prochain au terme de son premier mandat. Dans le petit monde des noms de domaine, il se dit que le directeur sera mis de côté, parce que le culte de la personnalité qu’il a créé autour de lui, est en flagrante contradiction avec ce que l’Icann veut être en tant qu’organisation.

Rod Beckstrom, le CEO de l’Icann, a annoncé sur Twitter qu’il quittera le gestionnaire de noms de domaine en juillet prochain au terme de son premier mandat. Dans le petit monde des noms de domaine, il se dit que le directeur sera mis de côté, parce que le culte de la personnalité qu’il a créé autour de lui, est en flagrante contradiction avec ce que l’Icann veut être en tant qu’organisation.

Beckstrom a été le premier CEO de l’Icann à avoir effectué du lobbying actif pour un renouvellement de mandat. Lors de la dernière conférence de l’Icann à Singapour, il a été jusqu’à énumérer toutes ses réalisations lors d’un discours qu’il prononça devant un large public. C’est un euphémisme de dire que cela ne fut pas du goût de tout le monde.

De manière assez ironique, ce sont précisément ces tentatives de s’associer lui-même aux succès relativement limités enregistrés ces dernières années par l’Icann, qui lui passent la corde au cou. Rod Beckstrom est quelqu’un qui aime s’attirer les honneurs. Quelqu’un pour qui cultiver un culte de la personnalité semble plus important qu’assurer une direction solide et efficace. Il en résulte qu’en à peine deux ans, quasiment toute l’équipe de senior management au sein de l’Icann a jeté l’éponge.

Le flamboyant Beckstrom est néanmoins l’homme qui, dans un passé pas si lointain, a écrit un livre très populaire sur le fait que des organisations sans véritable leader sont préférables à celles placées sous des hiérarchies traditionnelles (‘The Starfish And the Spider’).
Nombreux furent ceux qui ont dès lors été stupéfaits, lorsque l’ex-entrepreneur high-tech mit en place une hiérarchie stricte au sein de l’Icann et adopta lui-même des allures de roi-soleil. Beaucoup de collaborateurs démissionnaires n’ont pas hésité à exprimer leur inquiétude à propos de sa manière de faire et à évoquer la détérioration du climat au sein de l’organisation.

Réalisations La principale réalisation que Beckstrom s’attribue, est l’accord ‘historique’ conclu entre le gouvernement américain et l’Icann, qui garantit au gestionnaire des noms de domaine une plus grande autonomie (c’est ainsi que l’Icann ne doit par exemple plus rendre de comptes au ministère américain du commerce).

La remarque qu’il convient de citer à ce propos, c’est que Beckstrom n’occupait la fonction de CEO de l’Icann que depuis trois mois, lorsque cet accord fut signé, que les négociations avaient quand même duré 18 mois et qu’elles avaient été de facto mises sur les bons rails par Fiona Alexander, une vétérane de l’Icann. Le véritable responsable de l’accord historique renouvelé signé avec les Etats-Unis fut du reste le VP Paul Levins, qui rechercha du reste d’autres horizons quelques mois après l’arrivée de Beckstrom.

De plus, l’on peut également attribuer les autres ‘grandes réalisations’ de Rod Beckstrom, à savoir l’introduction des ‘internationalized domain names’ et l’accord relatif à l’apparition de centaines de nouvelles extensions internet, aux collaborateurs de l’Icann qui préparaient ces dossiers depuis des années déjà.

Les tentatives de Beckstrom de faire siennes ces réalisations n’ont pas été bien ressenties au sein de la communauté internet et par les collaborateurs de l’Icann, qui insistent à chaque fois sur le fait que le gestionnaire des noms de domaine est une organisation de type ‘bottom-up’ (à l’approche ascendante) et doit le rester.
Entre-temps, le COO de l’Icann, Doug Brent, et la très respectée Therese Swinehart (en charge des relations entre l’Icann et les différents gouvernements) considèrent cette affaire comme réglée, et c’est sans parler de David Conrad, le responsable du contrat crucial IANA (le’ comptable’ de l’internet).

Rendre l’âme Le fait que Rod Beckstrom n’est jamais en reste d’une déclaration incendiaire, avait atteint un point absolument culminant lors de la conférence de l’Icann à Nairobi, lorsqu’il lança la mise garde, selon laquelle l’internet ‘pouvait rendre l’âme à tout moment’. Dans une session avec le comité consultatif des différents gouvernements (Government Advisory Committee ou GAC), il déclara en effet qu’il fallait consentir nettement plus d’efforts pour protéger le DNS: “Because it’s under more attacks, it’s fragile and vulnerable, and can stop any time.”

Les réactions en disent long. De ‘fauteur de troubles’, en passant par ‘nigaud’, jusqu’à ‘narcissique’ ou ‘chichiteux’: “s’il continue ainsi, il n’atteindra pas la fin de son mandat de CEO.” Ce premier terme, il l’atteindra donc bien, même si la méfiance est grande et que la recherche d’un successeur a entre-temps déjà commencé.

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