Alexander De Croo: ‘Interdire le cryptage pour des services tels Whatsapp est la plus grave erreur qu’on puisse commettre’

© Dimitri Van Zeebroeck
Wim Kopinga Redacteur DataNews.be

Les ministres allemand et français de l’Intérieur aspirent à une limitation de la communication cryptée, mais le ministre belge en charge de l’Agenda Numérique Alexander De Croo (Open VLD) n’est absolument pas de cet avis.

‘Une interdiction du cryptage représente la plus grave erreur qu’on puisse commettre. Toute notre vie moderne – pas uniquement notre communication électronique – dépend du cryptage’, déclare De Croo à Data News.

Selon l’Allemagne et la France, la Justice devrait, dans le cas d’enquêtes en matière de terrorisme, avoir accès à la communication cryptée des terroristes. Voilà ce qui est ressorti d’un projet que les ministres concernés ont présenté le 23 août à Paris. Les fournisseurs de services de messages concis tels Telegram se verraient contraints de collaborer avec la Justice en Europe et ce, même si leur siège principal se trouve en dehors de l’UE. Les deux ministres entendent du reste présenter ce projet à leurs collègues européens.

Le cryptage n’est qu’une des pierres angulaires

Mais ‘lorsqu’on dit qu’il y a des périodes où le cryptage ne serait pas autorisé, en a-t-on vraiment mesuré les conséquences?’, se demande De Croo. ‘Le cryptage est l’une des pierres angulaires de notre façon de travailler aujourd’hui. Ne remettons pas cela en question, s’il vous plaît.’

Dans leur communication, les terroristes utilisent souvent les services de messages concis. En France, le meurtrier djihadiste d’un prêtre en Normandie aurait utilisé Telegram, selon des messages de presse unanimes. Voilà qui poserait des problèmes aux enquêteurs. Des fournisseurs tels Whatsapp et Apple recourent en effet aujourd’hui au cryptage par défaut, ce qui fait qu’il est malaisé de mettre la main sur les données des utilisateurs.

Forcer les fournisseurs à collaborer

Les ministres de l’Intérieur français et allemand invitent la Commission européenne à envisager une proposition de loi en vue de soumettre tous les fournisseurs – de connexions internet ou de services de communication – aux mêmes obligations. Ils pourraient ainsi être contraints de supprimer du contenu illégal ou de décoder des messages pertinents pour les enquêteurs. L’on ne sait cependant comment tout cela fonctionnerait et quelles sanctions pourraient être prises le cas échéant.

Je ne souhaite pas que l’on incorpore des failles dans les moyens de communication, qui pourraient mettre tout le monde en danger’

De Croo y voit un gros problème: ‘Voilà leur message: nous trouvons que ces systèmes de messagerie devraient avoir des portes dérobées (backdoors), mais la création d’une porte dérobée engendrerait un gigantesque problème car elle pourrait évidemment elle aussi être piratée. Je ne souhaite pas que l’on incorpore des failles dans les moyens de communication, qui pourraient mettre tout le monde en danger.’

Agrandir encore la meule de foin n’a aucun sens

Indépendamment de la sécurité, il y a encore d’autres raisons pour lesquelles les mesures présentées par l’Allemagne et la France n’auraient guère de sens. ‘Il faudra toujours faire preuve de créativité pour communiquer de manière confidentielle. Le cas échéant, l’on en reviendrait au langage codé d’autrefois. Le problème aujourd’hui, ce n’est pas le manque d’informations. Le problème, c’est la meule de foin dans laquelle il convient de retrouver son aiguille. Ce n’est pas en agrandissant cette meule qu’on la retrouvera plus facilement.’

Le 10 septembre, vous découvrirez l’interview complète d’Alexander De Croo sur Datanews.be

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