Les services de streaming de jeux refont surface

Consommer des jeux vidéo sur base d’un service de streaming de type Netflix : en dépit des multiples échecs du passé, les éditeurs de jeux continuent d’y croire. Pourquoi un tel acharnement ? Avec quels bénéfices réels pour le consommateur ?

La console de jeux vidéo, ce petit boîtier de 400 ? que les joueurs rachètent tous les 5 ans pour pouvoir faire tourner des jeux toujours plus puissants sur disquette ? C’est désormais du passé. Du moins s’il faut en croire depuis un peu plus d’une décennie un groupe d’entreprises qui rêvent de battre en brèche la toute-puissance des PlayStation de Sony, Xbox de Microsoft et autres consoles de Nintendo en proposant un service de streaming. La formule gagnante des OnLive, Gaikai et autres services de streaming apparus sur le marché dans les années 2008-2009 était particulièrement limpide : assurer le rendu des jeux sur un serveur, puis afficher les images via une connexion Internet sur un écran de TV, connexion qui renvoie ensuite les impulsions du contrôleur vers le serveur, ce cycle se répétant en continu en quelques nanosecondes. ” Nous évitons au joueur d’être dépendant d’un matériel coûteux et qui a en outre une durée de vie limitée “, expliquait le fondateur d’OnLive, Steve Perlman lors du lancement du service. En d’autres termes, exit les consoles de jeux.

Il n’empêche que cette prédiction s’est assez rapidement révélé être un flop commercial, notamment parce que l’infrastructure de serveurs était extrêmement lourde à supporter au début des années 2010. Du coup, OnLive, Gaikai et quelques autres plus petits acteurs ont jeté l’éponge. Certes, avant de disparaître complètement, Gaikai fut rachetée par Sony, après quoi ce groupe a racheté à la curatelle la principale technologie d’OnLive (l’opérateur belge Proximus, qui avait pris une participation de 2,6 % dans OnLive, a pour sa part bu la tasse). En fait, le streaming de jeux a connu une descente aux enfers aussi rapide que fut son démarrage en fanfare.

Vent nouveau

Il n’empêche qu’aujourd’hui, de nouveaux services de streaming de jeux refont leur apparition, promettant à nouveau la disparition prochaine de la console. Avec cette fois une différence de taille : les acteurs établis tels Microsoft et Electronic Arts ont pris l’initiative et ont puisé leur inspiration dans la réussite de Netflix. ” La rupture la plus importante qui touche aujourd’hui le secteur des loisirs est le streaming de contenu, expliquait voici quelques mois Andrew Wilson, le CEO du géant américain des jeux Electronic Arts. Cette rupture aura un impact majeur sur notre secteur au cours des prochaines années. La technologie n’est pas encore prête pour une diffusion à grande échelle, mais nous nous intéressons de près au service de streaming. ”

De même, Sony affiche ses ambitions avec les technologies Gaikai et OnLive qui gèrent désormais le réseau en ligne de sa console PlayStation 4. Pour sa part, Microsoft a entre-temps fait savoir qu’elle planchait sur un service similaire pour sa marque de jeux vidéo Xbox. En outre, d’autres éditeurs de jeux, qui n’ont pas forcément l’ambition de s’imposer sur ce marché du streaming, prennent conscience que les choses pourraient vraiment changer. ” A mon avis, on verra encore apparaître une génération de console, après quoi tout sera en streaming “, croit savoir Yves Guillemot, CEO de l’éditeur français de jeux Ubisoft

En effet, la situation se révèle désormais différente à plusieurs égards. Ainsi, les nouveaux acteurs qui entendent conquérir le marché du streaming de jeux ne sont pas des nouveaux-venus éphémères, mais des éditeurs de jeux établis qui ont surfé durant des décennies sur les vagues de l’évolution du secteur. De même, le frein que représentait l’infrastructure disparaît peu à peu. Ainsi, selon une récente enquête de Wik Consult, une connexion à haut débit moyenne dans le monde s’établit aujourd’hui à quelques centaines de Mbit/s, mais devrait atteindre 10 Gbit/s d’ici 2025. En outre, on assiste dans les zones extra-urbaines à un déploiement rapide de l’infrastructure à fibres optiques et de services 5G, ce qui permettra de doter les régions moins densément peuplées d’un Internet à haut débit.

Un marché au sein du service

Reste évidemment à voir quand les éditeurs de jeux franchiront réellement le pas. Le passage sera en tout cas progressif, tandis que l’enjeu commercial reste de taille : avec une console sur laquelle les joueurs téléchargent des jeux ou peuvent insérer un disque Blu-Ray, le service reste constant. Et le public attend ce type de service. Mais lorsque les éditeurs de jeux comme EO ou Xbox lanceront leur propre service de streaming, celui-ci devra être d’un niveau équivalent, ce qui sera compliqué. ” N’oubliez pas que les consoles de jeux représentent aujourd’hui encore un marché estimé entre 20 et 30 milliards $ par an, fait remarquer Joost van Dreunen, analyste des jeux vidéo et fondateur du cabinet d’études américain Superdata Research. Les entreprises qui retirent de tels revenus ne sont pas prêts à les abandonner. ”

Plus important encore que cette conditio sine qua non de la constante du service, il y a l’aspect commercial. La question est en effet : les consommateurs qui achètent aujourd’hui des jeux vidéo souhaitent-ils vraiment cette évolution ? ” Supposez qu’Electronic Arts lance demain un service de streaming : elle devra offrir du contenu d’autres éditeurs de jeux pour être intéressante aux yeux de l’utilisateur, raisonne Joost Rietveld, assistant-professeur à l’UCL School of Management de Londres spécialisé en plate-formes de médias numériques. Il ne faut pas seulement un marché pour un tel service, mais aussi au sein de ce service. Comment Netflix a-t-elle connu son succès fulgurant dans le contenu vidéo commercial ? En commençant au début à offrir un large éventail de contenus, avant de mettre ensuite en avant ses Originals. Ce contenu original a en outre suscité beaucoup de jalousie sur le marché, après quoi d’autres acteurs comme Disney notamment se sont mis à développer leur propre stratégie de streaming, ce qui a dérouté le consommateur qui n’a pas apprécié de devoir acheter plusieurs abonnements. Lorsqu’EA lance donc un service offrant uniquement ses propres Originals, ce même type de tensions apparaît directement sur leur propre marché. ”

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